Rencontre: Michèle Rioux : Ô temps, suspends ton vol
MICHÈLE RIOUX nous impose un espace hors du temps, à Tangente, avec sa nouvelle création Time Out. Un temps de pause qui laisse place à la rencontre…
"C’est, dans un premier temps, une rencontre avec des gens que j’aime et avec qui j’avais déjà travaillé, explique Michèle Rioux. Dans un deuxième temps, c’est une rencontre entre ces interprètes et le public." La pièce prend la forme d’une juxtaposition de plusieurs solos… Sachant cela, on est en droit de se demander pourquoi la créatrice n’a pas plutôt utilisé le duo pour explorer le thème de la rencontre. "Parce que ça aurait créé un rapport triangulaire avec le spectateur. Or, dans ce genre de situation, le premier exclu, c’est malheureusement toujours ce dernier. En utilisant le solo comme mode d’expression, je permets à ce spectateur d’être le principal interpellé."
L’idée de départ était d’accorder environ quatre minutes à chaque interprète, ce laps de temps devant servir à saisir et définir un moment qui caractérise son individualité. "C’est un peu comme des polaroïds, affirme la chorégraphe. Tu prends quelqu’un et tu essaies de cerner ce qui le définit… ce qu’il fait… quelle est son action, son dilemme. Il y a donc un côté psychologique à ce travail, car chacun a sa petite obsession, son petit problème à régler."
Dans cette pièce, la parole est utilisée à l’égal du geste. La danse n’est pas formelle. Il semble que ce soit la charge engendrée par la situation de chacune des séquences qui fasse apparaître le mouvement, et non l’inverse. Nous pouvons même nous risquer à dire, d’une certaine manière, que l’ensemble de l’oeuvre ressemble à un chaos organisé où tout un chacun exprime les conséquences émotives d’une urgence communicationnelle. Une expression qui, hors de ce Time Out, saurait difficilement avoir lieu.
Les neuf interprètes de cette création – Ann Bruce Falconer, Martin Faucher, Karsten Kroll, Catherine Lalonde, Maya Ostrofsky, Isabelle Poirier, Geneviève Rioux, Guy Trifiro et Michèle Rioux – sont issus tant de la danse que du théâtre. Chacun ayant une expérience particulière du mouvement, cela a pour effet de proposer des corporéités fort différentes. Un phénomène qui peut facilement nous ramener à la société dans laquelle cette oeuvre s’inscrit: un réservoir de mouvances hétéroclites, où la singularité d’une démarche physique est souvent le reflet visible d’une démarche intérieure.
Michèle Rioux n’en est pas à sa première création. Elle a déjà signé plus d’une douzaine de chorégraphies, qui ont été présentées dans divers lieux de diffusion par Danse-Cité, Tangente et le Centre culturel français de Dakar. En parallèle, s’ajoute une carrière d’interprète ayant débuté par une solide formation au Toronto Dance Theater et aux Ateliers de danse moderne de Montréal et s’étant poursuivie, jusqu’à ce jour, à travers l’expérimentation de diverses gestuelles, dont celles de Louise Bédard, Jean-Pierre Perreault et Lynda Gaudreau. C’est d’ailleurs grâce à sa remarquable présence dans la pièce Construction, de Lynda Gaudreau, que Michèle Rioux a remporté le pris ADAMI d’interprétation, lors de son passage en France en 1994.
Time Out s’inscrit donc dans une longue expérience d’interprétation, de recherche et de création. "Avec cette pièce, j’ai voulu me faire un cadeau", avoue-t-elle. Un cadeau qui pourrait également en être un pour le public, qui se retrouvera en face d’une oeuvre multidimensionnelle où l’utilisation de la vidéo (Michèle Rioux) et de la musique (Maxime Rioux) ainsi que la présence d’interprètes de talent garderont sans doute nos sens en éveil du début à la fin.
Il est à noter que le spectacle sera précédé de l’installation vidéo Visitation, de l’artiste vidéaste Gerard Leckey.
Du 4 au 7 décembre
À Tangente