Francine Alepin : À portée de main
Scène

Francine Alepin : À portée de main

Lors de récents voyages, la créatrice-interprète FRANCINE ALEPIN a glané çà et là des gestes qui en disent long. Elle ouvre son bagage à l’Espace Libre…

En plus d’avoir joué une soixantaine de personnages du répertoire classique et d’ouvres expérimentales depuis 1974, Francine Alepin enseigne le mime depuis près de 20 ans et participe, depuis 1981, à la majorité des productions du Théâtre Omnibus à titre de créatrice-interprète. Ces dernières années, elle a signé la mise en scène de La Baronne et la Truie et de Latitudes croisées, une coproduction internationale qui l’a menée en France et au Mexique. D’ailleurs, elle était de la délégation québécoise à la récente Foire du livre de Guadalajara. "Depuis quelques années, les écrivains m’inspirent beaucoup", confie-t-elle en entrevue.

"L’écrivain est seul avec ses impressions, alors que nous, en théâtre, nous sommes habitués à travailler en groupe pour les différentes étapes de l’élaboration du projet. Le processus de création est donc extrêmement différent." Avec la conception d’Éphéméride, un spectacle solo prémisse de La Glaneuse de gestes (il tournait autour d’un "journal gestuel" tenu par l’artiste pendant un an), Francine Alepin s’est mise à observer plus que d’habitude, ou du moins à faire de l’observation organisée. Elle s’est littéralement transformée en ethnologue amateur. Probablement que son accident (elle s’est fait renverser par une voiture lors d’un voyage précédent) a favorisé cette nouvelle façon de travailler, car son état ne lui permettait pas de répéter ou de monter sur scène. Elle a donc pris goût à ramasser, notant dans un calepin ses impressions, les gestes séculaires, intimes ou anodins qui s’offraient à son nouveau regard. Avec cette pièce, qu’elle appelle plus justement un laboratoire de création, elle donne à voir les gestes amassés comme s’ils traçaient les lisières du souvenir.

"Un jour, mon père et moi regardions cet homme dans un marché syrien. Il répétait le même geste, avec son melon, que mon grand-père, un Syrien, faisait pour choisir son fruit et vérifier sa maturation. Il le lançait, le faisait danser et tourner comme un ballon. Nous observions ce geste particulier avec le même souvenir, la même impression, sans, ni l’un ni l’autre, connaître la science de ce mouvement, qui est visiblement transmissible de génération en génération." C’est un peu ça qui se dégagera de La Glaneuse de gestes: une poésie du quotidien, un langage de l’inconscient au vocabulaire corporel. Il allait de soi que l’ouvre soit montée par le Théâtre Omnibus, car elle rejoint les devises fondamentales de la compagnie fondée en 1970: "l’Acte et le Verbe", "le corps du théâtre". Si le corps ne répond pas et ne parle pas de la même manière à travers le monde, pour des raisons culturelles ou naturelles (le climat, le centre de gravité, l’influence de la flore ou de la faune locales), sûrement que ce voyage à travers les gestes arrivera à prendre le pouls des gens, à transmettre une intimité et à dégager des gestes, sinon universels, du moins universellement compréhensibles.

Pour nous guider à travers ce parcours, Francine Alepin, en plus du texte, nous présente des images captées à Montréal et au Mexique, filmant souvent les gens à leur insu. "Je ne suis pas une vidéaste, mais je suis partie avec ma caméra pour partager ce que je voyais, ce qui m’inspirait, et surtout pour obtenir un répertoire exhaustif de repères et d’outils de comparaison pour la création de La Glaneuse de gestes." Avec l’aide des éclairages et de ses coéquipiers, des couleurs seront ajoutées pour suggérer la température, les ambiances et les impressions des lieux parallèlement aux images, au texte et à l’expression du corps.

Ce spectacle est un pas vers la compréhension des comportements et Francine Alepin projette d’aller en Syrie pour poursuivre sa démarche. En attendant la suite, rendez-vous à l’Espace Libre.

Jusqu’au 20 décembre
À l’Espace Libre
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