Tristan et Yseult : Soleils trompeurs
Scène

Tristan et Yseult : Soleils trompeurs

C’est un régal pour les yeux que nous offre le TNM ces jours-ci avec Tristan et Yseult, mis en scène par Alice Ronfard. Véritable exposition de tableaux visuels, la représentation du célèbre mythe sur les planches séduit surtout par le travail remarquable d’Axel Morgenthaler aux éclairages, qui parvient à créer un univers onirique où certains personnages évanescents flottent au-dessus d’un horizon de brume, où la barque de la mort glisse sur une rivière de lumière. On en reste ébahi, tant la force évocatrice des geysers de couleurs nous transporte bien au-delà de la simple salle de théâtre. Or voilà, plusieurs éléments dans cette création s’acharnent à nous faire redescendre au sol.

Il y a pourtant cette adaptation textuelle de Pierre-Yves Lemieux, qui transpose magnifiquement une histoire somme toute mièvre en pure poésie. Pari difficile que celui de traiter de l’amour sans redire éternellement les mêmes clichés, et pourtant, Lemieux réussit à nous émouvoir encore, transformant la notion de fatalité en prise de position. Mais il semble qu’Alice Ronfard n’ait pas cru le texte suffisamment fort, ajoutant à cette production une surenchère d’effets techniques qui alourdissent le tout. Nous nous retrouvons donc devant des personnages se battant dans l’eau (trois fois plutôt qu’une) et des monstres juchés sur échasses apparaissant dans le tonnerre mais sans véritable travail de voix, qui finissent par détruire la magie qu’ils cherchaient à instaurer. Dans cet univers surchargé, on a soudainement envie de simplicité.

Cette simplicité, nous la retrouvons un peu dans le jeu toujours juste de David Boutin, qui incarne Marc’h, ce roi guerrier trahi par Tristan, en qui il avait mis sa confiance. Boutin est sublime dans la détresse de l’homme trompé, ne paraissant nullement gêné par l’énorme technique de ce spectacle. Notons aussi les courtes apparitions de Monique Mercure dans le rôle de cette lavandière annonçant la mort, et d’Evelyne Rompré qui, malgré une tendance à la minauderie, peut parfois nous émouvoir d’un simple "oui" murmuré. Mais l’essentiel est étouffé sous les artifices, et on se surprend à trouver le tout un peu long, malgré l’enchantement lumineux…

Du 9 au 20 décembre 2003 et du 6 au 17 janvier 2004
Au Théâtre du Nouveau Monde
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