Cavalia : Le sourire des chevaux
Si on m’avait dit qu’un jour, un cheval parviendrait à me soutirer quelques larmes par une révérence, j’aurais éclaté de rire. C’est pourtant ce qui m’est arrivé avec Cavalia, le touchant spectacle créé par Normand Latourelle et mis en scène par Érick Villeneuve.
Plus qu’une banale parade de belles bêtes et de prouesses de dompteurs, cette pièce de théâtre équestre provoque rires, larmes, cris et émerveillement. L’histoire est simple: il s’agit de l’évolution de la relation entre l’homme et le cheval à travers les âges. C’est une histoire d’amour, parfois d’amitié, avec tout ce que cela implique de rapport de séduction, d’entraide, de partage, de jeux, d’euphorie, de rapport de force et, surtout, de confiance. Un récit bien rendu, essentiellement grâce à l’approche si particulière et si ingénieuse des dresseurs français Frédéric Pignon et Magali Delgado. Ces gens-là savent communiquer avec les artistes à quatre pattes comme d’autres manient la poésie ou la peinture, c’est-à-dire avec un succès aussi mystérieux qu’il semble facile et évident. Et pourtant. Toutes les figures exécutées paraissent si naturelles qu’on en oublie le temps que cela a dû prendre pour "parler cheval" au point qu’au moindre signe, ces puissantes bêtes se plient, non sans plaisir, au galop arrière, au pas de danse, ou à des exercices qui, pour elles, relèvent de la contorsion. Et je vous le jure, je crois bien les avoir vus sourire, ces chevaux!
Le plus souvent, Frédéric Pignon n’a même pas de chambrière en main; il y va de ses sourires, de ses regards, de quelques mouvements de la main et de caresses méritées. Pareil pour Magali Delgado, qui monte les chevaux avec ou sans selle, et souvent sans bride, et qui leur fait faire à peu près n’importe quoi; ils sont en totale symbiose. Leur approche se qualifie d’éthologique, car les dresseurs se basent sur l’étude des comportements en milieu naturel, reproduisant avec eux des gestes de confiance fort éloignés des rapports dominants propres à l’éducation animale habituelle. Sans jamais de menace, ni même de récompense évidente, ils arrivent à diriger avec une complicité et une efficacité déconcertantes. Les chevaux suivent leurs leaders fièrement, malgré les éclairages, les projections, les acrobates et l’abondante musique à plein régime.
Cavalia, c’est aussi une vingtaine d’autres artistes de grand talent sur le sable du chapiteau – voltigeurs, écuyers ou cavaliers, acrobates et danseurs – et il y a aussi des projections suggérant les époques. Un groupe de six musiciens et une chanteuse, juchés très haut et à peine visibles derrière une grande toile, interprètent avec brio la remarquable musique signée Michel Cusson. Parfois d’un jazz fusion assez enlevant (pour les scènes, disons, plus "western", alors que les chevaux courent à folle allure), elle est généralement très chaleureuse, enveloppant les scènes émouvantes et plus intimes.
Une rencontre entre l’humain et le cheval.
Jusqu’au 4 janvier
Sous le chapiteau Cavalia (angle Métropolitaine et Côte-de-Liesse)
Information: (514) 788-8308