La Bonne Âme du Setchouan – Entrevue avec Antoine Laprise : Le feu sacré
Scène

La Bonne Âme du Setchouan – Entrevue avec Antoine Laprise : Le feu sacré

"En quelques milliers d’années, on s’est construit une civilisation, on a créé des ouvres extraordinaires nourries de siècles de réflexion. On va les laisser s’empoussiérer? Impossible! affirme ANTOINE LAPRISE. Il faut raviver toujours la flamme, souffler sur les braises de nos grands questionnements, de ce qu’on a fait de magnifique, qui nous  dépasse."

Après Candide de Voltaire et La Bible, adaptés avec le Loup Bleu et le Théâtre du Sous-Marin Jaune, après Le Mahabharata, poème épique indien, pas étonnant que ce passionné explore maintenant l’univers d’un grand dramaturge du XXe siècle: Bertolt Brecht. Il met en scène La Bonne Âme du Setchouan, écrite entre 1938 et 1942, alors que l’auteur est en exil, ayant fui le régime nazi auquel il s’est opposé ouvertement.

La pièce entraîne le spectateur en Chine où trois dieux, descendus sur terre à la recherche d’une âme généreuse, rencontrent Chen Te, qui seule accepte de les accueillir. Pour la récompenser, ils lui donnent une importante somme d’argent; dès lors, elle est harcelée par les demandes pressantes et incessantes des habitants de son village.

"C’est une pièce difficile, parce qu’elle est pleine de paradoxes; mais la force de Brecht, c’est justement de nous garder dans l’ambiguïté", commente le metteur en scène. Jusqu’où doit aller la bonté? Est-il possible d’être bon dans un monde où les richesses sont inégalement réparties? " Je pense que la pièce aboutit à une espèce de cul-de-sac qui s’appelle le quotidien, en fait. Derrière tout ça, il y a quelque chose de très touchant, de très simple: une tendresse extraordinaire pour l’être humain. C’est une parabole, et c’est l’ouvre d’un poète qui, tout en jetant un regard critique sur la société, dit aux autres: "Essayons d’être heureux ensemble.""

Explorer et présenter de grandes ouvres est toujours, pour Antoine Laprise, une heureuse aventure. "S’attaquer à des ouvres comme ça, c’est forcément un voyage: ça te change, ça te nourrit. Et j’ai besoin de ça: tout savoir – même si c’est impossible -, et tout partager. Pour moi, c’est se respecter de se transmettre ce qu’on est, tout ce à quoi on est parvenu. En plus, il y a des choses qu’on sait qui changent notre vie, qui nous libèrent de l’impuissance d’être seulement le jouet des éléments, et plus encore le jouet des autres. On croit souvent que sont des fatalités des choses qui en fait reposent entre nos mains et qu’on a le pouvoir de changer si on en connaît la structure. C’est ça que les grands scientifiques disent; et c’est de ça que Brecht parle.

"Au théâtre, la rencontre avec l’autre, aussi, est importante. On est des hommes des cavernes autour du feu, et on veut une histoire pour passer le temps. Parce que la nuit va être longue, il fait froid: on est entouré de vide, on vieillit, on meurt. Le spectacle est une régénération. C’est comme faire une sieste de l’âme. C’est comme rêver: rêver éveillé, rêver le rêve d’un autre. Le théâtre, c’est des échanges de rêves; ça te décale, ça te déplace, ça te déstabilise. Et ça, ça fait du bien."

L’équipe est formée des concepteurs Fanny Britt, Christian Fontaine, Isabelle Larivière, Étienne Boucher, Éric Salzman, Angelo Barsetti, Marie-France Larivière, Sandrine Beauchamp et des comédiens Stéphan Allard, Emmanuel Bédard, Serge Bonin, Lorraine Côté, Valérie Descheneaux, Marie-Ginette Guay, Valérie Laroche, Patrick Ouellet, Jean-Sébastien Ouellette, Édith Paquet, Caroline Stephenson, Guy-Daniel Tremblay.

Du 13 janvier au 7 février
Au Grand Théâtre
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