Chambres – Entrevueavec Denise Gagnon : À rebours
Scène

Chambres – Entrevueavec Denise Gagnon : À rebours

"Enseigner, c’est très profitable pour un acteur", affirme DENISE GAGNON, comédienne et professeure au Conservatoire d’art dramatique. "Ça nous maintient sur la brèche, dans le vif de l’affaire: quand on enseigne, on est continuellement confronté aux difficultés de l’interprétation, mais aussi à la grâce, au plaisir du jeu."

Ce bonheur de l’interprétation, c’est en jouant dans Chambres que Denise Gagnon le ressent ces jours-ci. Mise en scène par Sylvie Cantin, cette deuxième production du Théâtre Les Trois Sœurs est aussi, après Inventaires, sa deuxième incursion dans l’univers de Philippe Minyana. Auteur français, celui-ci excelle dans l’art de débusquer, avec une simplicité et une acuité douloureuses, le tragique dormant dans les choses les plus banales. Tel objet, dans Inventaires, réveillait chez un personnage une époque révolue, un bonheur perdu, une occasion ratée. Chambres convie aussi à une plongée dans les souvenirs; à travers leurs monologues, quatre personnages se révèlent.

Denise Gagnon partage la scène avec Bertrand Alain, Marie-Josée Bastien et Érika Gagnon. "Mon personnage, explique-t-elle, comme tous les autres, se penche sur son passé. Plutôt seuls, les quatre personnages se racontent: leur histoire, leurs secrets, leurs problèmes. Le fil continu entre eux, c’est qu’ils habitent tous Sochaux, la ville de l’usine Peugeot, où presque tout le monde travaille. C’est le lien qui les unit."

Dans un langage quotidien et très réaliste, chacun réfléchit tout haut, sa pensée allant d’une chose à l’autre. "C’est un texte où tu n’as pas de repères. Le personnage parle d’une chose, et tout à coup, sans qu’on sache pourquoi, on se retrouve dans autre chose. En plus, il n’y a pas de ponctuation dans le texte. Donc, c’est aux comédiens à trouver le fil, le sens. C’est un langage – Minyana le dit lui-même – de brisure, de cassure; en même temps, on y trouve un côté très familier, très courant. C’est un texte, une fois qu’il est appris, qui te porte, te soutient; pour moi, c’est la marque d’un bon auteur. Et puis il y a des choses drôles, des répliques qui font rire."

Écrite en 1986, Chambres, bien que située avec précision dans une ville de l’est de la France, peut avoir des résonances partout. "Je pense que toutes ces situations pourraient se passer n’importe où. Ce sont des problèmes très humains, qu’on peut tous comprendre, qu’on a tous eus. D’ailleurs, M. Minyana, paraît-il, travaille beaucoup à partir de faits divers, de conversations qu’il a avec les gens qu’il rencontre." D’où la force de ce texte. "Pour moi, poursuit Denise Gagnon, la grande qualité de cet auteur, c’est la vérité. Tous ces personnages sont vrais, dans leur tristesse, dans leur malheur, dans leur rage; ils sont totalement, de plain-pied avec l’humain. C’est ça qui me plaît chez Minyana. Il ne part pas uniquement dans sa tête; au contraire, il se tient au niveau de la personne, très près d’une réalité que les gens peuvent reconnaître. Si eux ne l’ont pas vécue, ils connaissent sûrement quelqu’un à qui c’est arrivé."

Sylvie Cantin travaille avec les concepteurs Élise Dubé, Louis-Marie Lavoie, Marc Vallée, Christian Garon.

Jusqu’au 31 janvier
À la Maison de la culture et de l’environnement de Salaberry
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