Guy Nadon : Bouc émissaire
Scène

Guy Nadon : Bouc émissaire

Glissement de terrain sur les planches du Rideau Vert dans les jours à venir, avec l’outrageuse pièce La Chèvre ou qui est Sylvia?, de l’auteur Edward Albee, mise en scène par Daniel Roussel. GUY NADON sera celui par qui la catastrophe arrive…

Un architecte de 50 ans au sommet de sa carrière, une femme aimante depuis 22 ans, un fils, un meilleur ami: voilà l’univers qui s’écroulera sous nos yeux à la suite d’une révélation-choc dont on vous tait malicieusement le contenu. "C’est de l’infinie complexité de l’aventure humaine que l’on parle. Il y aura une catastrophe absolue dans un univers où il n’est pas censé y en avoir, dans le royaume du savon Ivory", nous annonce d’entrée de jeu l’acteur Guy Nadon, visiblement amusé d’endosser le rôle du perturbateur. "Soudain, se commettra un geste, une erreur de jugement, un moment de chaos, à partir duquel il y aura des conséquences et à partir duquel on ne pourra plus revenir en arrière, comme dans les tragédies grecques."

Si l’on se retrouve devant une pièce similaire, de prime abord, aux œuvres d’un Tennessee Williams ou d’un Eugene O’Neill, le dérapage en surprendra plus d’un. Dans La Chèvre ou qui est Sylvia?, Edward Albee explore les glissements formels, passant de l’anodin à l’inconcevable et de la farce au drame. Cette pièce déroutante a d’ailleurs remporté le prix de la meilleure pièce de l’année aux Tony Awards 2002. "Elle a l’apparence d’une pièce ordinaire pouvant être à l’affiche au Rideau Vert. Je trouve charmant que l’on suive la production La Boutique au coin de la rue, confie l’acteur en souriant, espiègle. Dans ce contenant anodin, Albee met un contenu qui ne l’est tout simplement pas. Ce que se disent les personnages est extrêmement chargé. Ce n’est pas banal ou téléromanesque. Ce sont des gens qui ont fait des choix moraux et qui seront précipités dans la complexité." L’acteur, visiblement impressionné par le texte, avoue qu’il regrette presque de jouer et de ne pas être assis dans la salle. "J’ai rarement lu un truc pareil. C’est la meilleure pièce que j’aie lue depuis 15 ans! C’est une maudite bonne histoire, intéressante, inattendue, qui te visse dans ton fauteuil, qui te donne envie de partir en courant parce que ça te fait peur, qui te donne le sentiment très âpre d’être vivant."

Le propos dérangeant de la pièce qui se cache dans cette fameuse révélation ne laissera personne de marbre. Pourtant, il semble que la frontière entre le bien et le mal sera quasi impossible à tracer. "Le public jugera sûrement le choix de mon personnage mais pour lui, c’est Éros qui le pousse, c’est la passion. Les quatre personnages ont en fait une réaction très juste. L’ami a raison de trahir, la femme a raison de se révolter, le fils aussi. Il n’en reste pas moins qu’à la fin, on se demande comment on peut prendre parti. Ce qui arrive est terrible", poursuit le comédien, soucieux de la compréhension du public. "Albee est un radical, il l’a toujours été. Ça me paraît incroyable d’écrire une pièce pareille à 75 ans! Il parle de la tolérance, mais dans sa forme la plus radicale. Celle qui fait en sorte que l’on est obligé de suspendre son jugement et d’avoir de l’empathie pour la pauvre humanité. C’est ça qu’il faut retenir. Tout en apparence est simple mais rien n’est simple et tout se complique. Il n’y a pas de solution."

L’acteur, qui sera entouré de Linda Sorgini, Raymond Legault et Frédéric Bélanger, semble ravi de travailler une fois de plus avec le metteur en scène Daniel Roussel (Variations énigmatiques de Schmitt), mais demeure fort troublé par ce qu’il s’apprête à nous offrir. "Cette pièce me laisse pantois…"

Du 20 janvier au 14 février
Au Théâtre du Rideau Vert
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