Monique Spaziani : Des femmes en or
MONIQUE SPAZIANI œuvre avec la même aisance au théâtre, au cinéma et à la télévision. De Duras à Euripide, elle semble apte à tout jouer. En lui offrant le personnage de Philaminte dans Les Femmes savantes, MARTIN FAUCHER lui permet pour une rare fois de visiter Molière.
Dans les suaves effluves d’un thé à la menthe, Monique Spaziani se rappelle le jour où – il y a presque un an – le metteur en scène Martin Faucher lui a proposé le rôle de la matriarcale Philaminte, dans l’avant-dernière pièce écrite par Molière, en 1672, Les Femmes savantes. "C’était la première fois que Martin faisait appel à moi. Il m’a tout de suite précisé qu’il voulait une "jeune" Philaminte. Peut-être pour ne pas m’offusquer en me proposant un rôle de mère!"
Cette comédie, qui approfondit la thématique abordée par Les Précieuses ridicules, est considérée comme l’une des plus achevées du répertoire de Molière. "J’ai été immédiatement intéressée par cet univers aux personnages plus grands que nature, de véritables monstres d’égoïsme, dit l’actrice. J’ai redécouvert des vers brillants et insondables qui tissent humour féroce et esprit."
La pièce propose en effet une décapante satire sociale, le portrait hyperbolique d’une famille bourgeoise ébranlée de l’intérieur. Encouragée par sa sœur et l’une de ses filles, Philaminte ne jure que par les arts et la science. Entichée d’un poète vaniteux, elle veut obliger sa fille à l’épouser, ce à quoi s’oppose son mari Chrysale. Comme le dit la comédienne, "c’est un texte très délicat à défendre, il ne faut surtout pas prendre parti. On doit éviter la caricature mais il ne faut pas, en contrepartie, faire de cette comédie un drame. Comme c’est souvent le cas sous la plume de Molière, ces personnages sont bourrés de contradictions, c’est-à-dire extrêmement humains."
Féministes avant l’heure
Martin Faucher, qui a déjà monté la pièce il y a une dizaine d’années avec des étudiants de l’École nationale, y perçoit les balbutiements d’un certain féminisme. Il est vrai que ces femmes, aussi déroutées soient-elles, ont une volonté certaine de redéfinir le rôle que la société leur octroie. "Elles sont animées par une volonté de s’élever socialement. Bien qu’elles deviennent complètement ridicules, bêtement charmées par un imposteur, leur désir de changer de situation est tout de même un signe de leur intelligence", témoigne l’actrice.
Si la mise en scène exacerbe cette revendication pré-féministe, il faut s’attendre à un décor, des costumes et des accessoires qui expriment cet entrechoquement des préoccupations modernes de Philaminte et de celles plus traditionnelles de son mari. On se souviendra que les nombreux anachronismes dont Martin Faucher avait parsemé sa mise en scène du Menteur, au TDP en 1999, avaient ravi les jeunes et les moins jeunes. Le grand succès obtenu par sa relecture du classique de Corneille entraîne nécessairement certaines attentes envers cette nouvelle production.
Si les clins d’œil modernes dont Faucher est susceptible de truffer son spectacle devraient séduire les jeunes, la présence sur scène de plusieurs acteurs tout frais sortis des écoles devrait également remporter l’adhésion du public adolescent cher à l’institution. "Martin rallie à merveille tous les acteurs qu’il dirige, nous dit Monique Spaziani. Il parvient à une grande homogénéité. Je suis aussi impressionnée par l’audace de ses propositions que par l’efficacité avec laquelle il articule les parties les unes aux autres." Voilà qui incite à faire plus ample connaissance avec les membres de cette famille haute en couleur.
Du 23 janvier au 14 février
Au Théâtre Denise-Pelletier