Un carré de ciel : Femmes de rêve
Explorer ses limites mène souvent au désarroi. Ce fut le cas de l’auteur et médecin Jacques Ferron, dont la quête est brillamment illustrée dans le magnifique Carré de ciel, présenté au Théâtre d’Aujourd’hui ces jours-ci. Martine Beaulne y transpose habilement en images le texte de Michèle Magny, texte dont la beauté poétique et l’efficacité éblouissent.
Docteur Ferron (personnifié par Jean Marchand, extrêmement précis), se préparant à séjourner à l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, s’attarde dans la cour intérieure, désirant une nuit de "passage" avant d’en franchir le seuil. La nurse qui l’accueille (Muriel Dutil, d’une humilité et d’une justesse touchantes) accepte l’étrange demande du médecin et le laisse affronter la nuit sur le banc. C’est là que Ferron engage son combat afin de retrouver une définition de lui-même sans en perdre sa lucidité, confrontant le souvenir de ses anciennes patientes souffrant d’hystérie mais aussi son double, l’écrivain en lui, Maski.
Si Jean-François Casabonne séduit en alter ego inquiétant, bravache et imprévisible, les trois "asileuses" prennent d’assaut la scène, jouant de manière volontairement exagérée leur rôle de folles officiellement diagnostiquées. Ces superbes images mouvantes et clins d’œil aux gravures des travaux de Freud contribuent à l’atmosphère trouble qu’installe avec soin Marchand. Madeleine (Christiane Proulx) ne pouvant s’empêcher de vouloir mourir, Louise (Marie-Ève Bertrand, bouleversante), dont les courtes interventions vous étreignent, et Aline des "Roses Sauvages" (délicieuse Anne-Marie Provencher) viendront supplier le docteur d’écrire pour elles. La scène atteint des sommets d’onirisme alors que revient la défunte mère de Ferron (Catherine Sénart), flottant comme dans un tableau de Chagall. La réunion de la mère et du fils représente un moment de grâce comme on en est rarement témoin.
La signature de la chorégraphe Jocelyne Montpetit, la scénographie ingénieuse de Richard Lacroix, qui permet la jonction du passé et du présent, et la trame sonore de Sylvie Grenier contribuent à l’envoûtement. S’il s’avère plus facile pour les amateurs de Ferron d’en savourer toutes les subtilités, Un carré de ciel est avant tout la remarquable transposition théâtrale d’un débat intérieur. À voir.
Jusqu’au 7 février
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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