Les Femmes savantes : Quand l'esprit vient aux femmes
Scène

Les Femmes savantes : Quand l’esprit vient aux femmes

Pour cette rare incursion dans l’œuvre de Molière, Martin Faucher frappe fort et signe une version iconoclaste des Femmes savantes, un spectacle qui poursuit ce qu’il avait amorcé en 1999 en s’appropriant Le Menteur de Corneille.

Fidèle à ses anciennes audaces, le metteur en scène a choisi de situer sa comédie dans un insolite laboratoire. Ce qui aurait pu réduire la portée de l’œuvre la dynamise au contraire, férocement. Sur scène, un branle-bas de combat dont de cocasses héroïnes, entichées de science, d’art et de philosophie, sont entièrement responsables. Faisant la pluie et le beau temps sur cette maison, elles ont entassé dans un coin les meubles et tableaux d’époque et empli la pièce des instruments nécessaires à leur quête de savoir (fioles, boyaux, réfrigérateur, photocopieur…). Les différents styles auxquels les costumes empruntent contribuent aussi au chevauchement des époques. Une proposition anachronique qui opère dès les premiers instants du spectacle.

La vision décapante que pose le metteur en scène sur cette pièce créée en 1672 s’incarne aussi dans la savoureuse performance des acteurs. Alors que la jeune Marie-Ève Pelletier (Henriette) semble très à l’aise avec le vers et que Philippe Cousineau compose un Trissotin divinement décadent, ce sont certes Louise Turcot (Bélise) et Monique Spaziani (Philaminte) qui insufflent à l’ensemble une contagieuse dérision. Désopilantes, elles offrent au public des moments de grande virtuosité.

La réflexion sur les rapports hommes-femmes, au centre de cette avant-dernière pièce de Molière, est brillamment éclairée par la présente lecture. Non seulement donne-t-elle à chacun des personnages un ancrage résolument actuel, mais elle communique à certains passages une saveur quasi militante. En fait foi cette scène aux allures de conférence de presse, où les trois femmes scandent avec conviction leur désir d’accéder à un autre statut social. Se jouant des conventions, ces Femmes savantes s’avèrent séduisantes sans être racoleuses, amusantes sans être bêtes. Grâce à elles, Martin Faucher offre l’une des plus belles portes d’entrée que l’on puisse imaginer vers le théâtre classique.

Jusqu’au 14 février
Au Théâtre Denise-Pelletier
Voir calendrier Théâtre