Oreste: The Reality Show : Procès public
Si vous croyez que le théâtre n’a plus le pouvoir de déranger, c’est qu’on ne vous a jamais fait applaudir pour la peine de mort. Avec Oreste: The Reality Show, la mission de Serge Denoncourt et de l’Opsis est d’offrir un nouveau regard sur l’œuvre d’Euripide en revisitant la pièce par le biais d’un spectacle de télé-réalité. Ici, le drame des Atrides a déjà eu lieu, et c’est au procès d’Oreste que nous assistons. Transformés en public d’un plateau d’enregistrement, nous participons au déroulement final de la tragédie avec le malaise ou l’excitation du voyeur; et pour ceux qui sont à la maison, eh bien, pour un dollar l’appel, ils peuvent voter pour influencer le sort d’Oreste, accusé de matricide.
C’est à Michel Poirier que revient la tâche d’animer la foule. Bien sûr, c’est un rôle, mais n’empêche qu’il doit être suffisamment habile et rusé pour nous faire efficacement participer à ce stupide jeu de manipulation. Et ça marche: en un instant, on se retrouve charmé par ce G.O. et gonflé d’enthousiasme pour accueillir une animatrice célèbre – incarnée par Anne Dorval – qui aura la gentillesse de nous accorder un sourire, un regard et peut-être même une poignée de main. Nous formons une assistance simple, certes, mais ravie d’être témoin des jeux de coulisses et de la complicité entre les membres superficiels d’une équipe dynamique. Si ce sentiment troublant (d’être un membre actif de cette communauté!) s’estompe au fil de la pièce, comme l’effet de surprise, il demeure un des points importants du spectacle. Ainsi, on réalise plus que jamais le pouvoir que cette télé-réalité confère au public qui, du haut de sa zappette ou par la force de ses applaudissements, peut se prononcer sur des questions importantes (même la vie d’un homme) sans s’instruire réellement sur le fond. Et pire que le pouvoir du public, c’est l’illusion du pouvoir du public qui, somme toute, est franchement manipulé. D’ailleurs, il y a des pauses commerciales…
Les comédiens sont bons et le passage d’un niveau de langage à l’autre coule, mais soulignons le soutien de Martin Labrecque aux éclairages, qui, comme Poirier, arrive à nous maintenir dans notre rôle de "public" en nous éclairant, alors que l’on s’observe les uns les autres, "se crinquant" pour appeler et applaudir le drame.
Jusqu’au 7 février
À l’Espace GO
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