Critique : Ubu roi : Ubu roi
Scène

Critique : Ubu roi : Ubu roi

Jusqu’au 21 février
Au Théâtre de la Bordée

De toute l’histoire du théâtre, Ubu est sûrement le plus risible des régicides, le plus grotesque des despotes. Son histoire, que raconte Jarry – usurpation du pouvoir, règne et chute du tyran -, nous entraîne dans un monde absurde, un univers de bouffonnerie présentant le visage sombre de l’humain : sa bêtise, sa cruauté, ses appétits les plus vils. Car Ubu et ses acolytes – on le regrette – sont de partout et de toujours.

La mise en scène de Frédéric Dubois, si elle fait de très brèves allusions à des dictatures du XXe siècle, cadre parfaitement avec ce ton de farce; avec enthousiasme, il emboîte le pas à Jarry, mélangeant dérision et naïveté. Assister à son Ubu roi, c’est entrer dans l’univers du premier degré. Tout, dans ce spectacle, souligne le caractère ludique de l’entreprise : le décor (Vano Hotton), très dépouillé, dont tous les éléments, du plateau incliné jusqu’aux accessoires, sont identifiés; son utilisation, ménageant des surprises amusantes; l’environnement sonore (Pascal Robitaille), ajoutant une distance sarcastique.

On est au théâtre : on le montre sans cesse et, particulièrement, dans le jeu. Outre les trois personnages principaux, Père Ubu, Mère Ubu et Bordure (Jack Robitaille, Paule Savard, Frédérick Bouffard), cinq comédiens (Sylvio Manuel Arriola, Myriam LeBlanc, Jean-Nicolas Marquis, Nadine Meloche, Ansie Saint-Martin), d’apparence interchangeable, par leurs costume et perruque, jouent tous les autres rôles : la famille royale, le peuple, les nobles, les armées… Mimiques appuyées, mouvements chorégraphiés, jeu rythmé, très physique et énergique de tous les comédiens donnent à la pièce grande vivacité et drôlerie mécanique.

Devant ce spectacle, on a parfois l’impression très nette de voir des enfants au jeu : exagération, répliques boudeuses, bagarres peu inquiétantes, mouvement incessant, accessoires inventés (crochet à nobles, cheval à phynances), qu’on voit ou qu’on ne voit pas. Aucun réalisme ou souci de vraisemblance : on joue.

Il ne faut pas chercher dans Ubu roi une construction rigoureuse, une progression sans faille, des dialogues toujours brillants. La pièce, que sert très bien le traitement coloré, et en apparence joyeusement désordonné de Frédéric Dubois et de son équipe, garde un aspect brouillon, qui nous entraîne dans un tourbillon de folie semblable à celui dans lequel plonge parfois la réalité. C’est ce que nous rappelle Jarry, dans un sourire grimaçant.