Adela mi amor : Aventure spatiale
Scène

Adela mi amor : Aventure spatiale

Jeudi dernier, je suis ressorti du spectacle Adela mi amor, de José Navas, un peu perplexe. Car même si je me trouvais rempli d’une énergie tonifiante, que la dynamique étonnante des six interprètes m’avait été transmise par contagion kinesthésique, il subsistait dans mon esprit le souvenir d’une œuvre inégale.

La pièce ouvre et finit sur un tableau explosif où Navas fait preuve d’un extraordinaire talent de composition, proposant la forme de danse avec laquelle il semble être le plus à l’aise: très apollinienne, épurée, pleine de maîtrise, de précision dans les silhouettes et les lignes; héritière de l’éclatement de l’espace cunninghamien.

Mais entre ce début et cette fin, on se promène en montagnes russes, passant subitement d’un tableau rapide et visuellement efficace à un tableau d’une lenteur parfois maladroite. Aussi, viennent s’ajouter par moments des bulles donnant à voir une théâtralité douteuse dont on questionne la pertinence – comme, entre autres, cette apparition d’Anne Le Beau qui ressemble étrangement au solo (créé par Brigitte Haentjens) qu’on avait vu dans le cadre du projet Le Beau fait la bête, présenté par Danse-Cité en décembre dernier.

Cette juxtaposition de deux univers de nature et de volume totalement différents – l’un formel et l’autre à saveur expressionniste – aurait pu fonctionner. Malheureusement, ce n’est pas le cas. On pourrait même aller jusqu’à dire que le côté théâtral est superflu. Dans un même ordre d’idées, les corps dansants féminins de Navas – essentiellement érotiques et séducteurs – n’ont nul besoin de cet artifice pour exprimer le désordre des sentiments qu’ils doivent incarner. Car la danse du chorégraphe, à elle seule, est assez riche et parlante pour traduire cette distorsion de la passion qu’on retrouve dans La Maison de Bernarda Alba, de Garcia Lorca (source d’inspiration d’Adela mi amor). Une danse qui s’accorde d’ailleurs à merveille avec la trame sonore rendue en temps réel par le compositeur, percussionniste et musicien Michel F. Côté, qu’on prend plaisir à voir corporellement investi par sa performance.

Malgré les quelques défauts de construction énumérés, qui peuvent donner l’impression d’une œuvre inachevée, celle-ci possède la grande qualité d’être envoûtante. Ce qui nous en fait oublier les travers et nous donne envie de revivre une deuxième fois la résonance corporelle que nous procure l’expérience Adela mi amor.

Jusqu’au 14 février
Au Studio de l’Agora
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