Babylone : Danser l'origine
Scène

Babylone : Danser l’origine

Les spectacles de Pigeons International sont toujours des rendez-vous avec les plus intimes composantes de la nature humaine. À l’image des jardins suspendus qui ont inspiré Babylone, les trop rares cérémonies orchestrées par Paula de Vasconcelos font de la scène un stupéfiant microcosme de notre monde. Amalgame chatoyant de danse et de théâtre, de bruit et de silence, de souffrance et d’allégresse, sa dixième création ne fait pas exception à la tradition. Dans une savante et minimale évocation du jardin d’Éden, dix interprètes et trois musiciens font revivre en mots et surtout en mouvements les balbutiements de l’humanité.

Particulièrement sobre, la scénographie (également signée par la chorégraphe et metteure en scène) laisse toute la place au "quotidien" d’une galerie de personnages blessés. Tel un démiurge, un drôle de jardinier (Igor Ovadis) fera surgir les éléments des entrailles d’une vaste plate-forme de bois verni: la lumière, la terre et l’eau. Apparaissent ensuite Adam et Ève, le couple originel, pressés d’entrer dans la lumière, de dire au monde, en une somptueuse danse, toute la fragilité et la suprématie caractérisant l’être humain. Alors que la toute fine Milene Azze donne beaucoup de caractère à sa première femme, Emmanuel Jouthe incarne, avec toute la prestance qu’on lui connaît, un Adam dont la couleur de peau symbolise bien la portée universelle du spectacle.

Évoluant dans la plus manifeste liberté, recréant les interactions naturelles de la vie en groupe, les dix protagonistes polyglottes de cette fresque offrent des instants d’une grande beauté. Est-ce grâce à sa trame narrative – l’une des plus sommaires que la metteure en scène ait utilisées comme alibi à sa création – que ce spectacle atteint des moments de danse pure? Quoi qu’il en soit, la créatrice s’autorise des envolées souveraines où l’aspect chorégraphique acquiert une autonomie peu commune. Sa gestuelle s’affirme, se précise, se charge d’émotions toujours plus salvatrices ou insoutenables.

En revisitant les mythes fondateurs de manière aussi séduisante qu’actuelle, Babylone démontre que seules la musique et la danse peuvent lancer des ponts aussi inébranlables entre les hommes et les femmes du monde entier.

Jusqu’au 14 février
À l’Usine C
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