La Cloche de verre : Maison de poupée
La comédienne Céline Bonnier offre à nouveau une performance exceptionnelle dans La Cloche de verre qu’a imaginée pour elle Brigitte Haentjens. Son interprétation d’Esther Greenwood, le double romanesque de l’écrivaine américaine Sylvia Plath, atteint des sommets de finesse et de nuance. Dans un solo tout en retenue, l’actrice traduit avec une virtuosité musicale le parcours tragique d’une artiste qu’un profond mal de vivre incite à de multiples tentatives de suicide.
Au cœur des lignes fuyantes de l’entonnoir (ou du porte-voix) conçu par la scénographe Annick La Bissonnière, l’actrice prend des proportions démesurées. Autour d’elle, comme les insondables mouvements de l’esprit humain, dansent les somptueuses projections aquatiques signées Francis Laporte. Les vêtements (Julie Charland), la coiffure (Angelo Barsetti) et quelques accessoires suffisent à traduire l’esthétique des années 50. Constellant le spectacle, les séances d’électrochocs (traduites en lumières par Claude Cournoyer) alliées aux ambiances musicales de Robert Normandeau maintiennent une tension constante. Le destin d’une femme aussi lucide que fragile chancelle sous nos yeux, menace à tout moment de rencontrer le sol.
Avec cette nouvelle incursion dans la psyché d’une écrivaine, Brigitte Haentjens prouve qu’elle est loin d’avoir épuisé la problématique de l’inadéquation de la femme artiste au monde dans lequel elle vit. Elle signe une adaptation qui, tout en demeurant fidèle au roman, en révèle les forces souterraines. Mettant fort habilement en perspective le parcours de l’auteure et celui du personnage, la partition avance avec doigté sur cette frontière ténue entre la dérision et la détresse. Sans l’ombre d’une complaisance, ce monologue exprime l’aliénation d’une femme dotée d’une grande intelligence, il laisse transparaître avec subtilité la nature profonde d’un état dépressif aux origines complexes.
Toute la justesse de cette Cloche de verre se cristallise dans le sourire désespéré que l’actrice offre à la salle alors que la lumière s’estompe. Un sourire figé, tellement plus éloquent que les larmes pour évoquer la douleur qui gronde, le torrent de souffrance qui menace de sourdre à chaque instant.
Jusqu’au 6 mars
Au Théâtre de Quat’Sous
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