Scène

Le Désir de Gobi : Critique: Le Désir de Gobi

Dire l’indicible, raconter l’insupportable: telle est la difficile tâche de Nine, sa seule voie de salut.

Personnage principal du Désir de Gobi, de Suzie Bastien, Nine, 14 ans, a été enfermée par son père pendant une année. Depuis sa "libération", elle tente de revivre, malgré ce passé qui la déchire. Avec son ami Colas et celui qu’elle appelle le Morlock, un "psycho(…)docteurchose", elle oscille entre le besoin de fuir le passé, et la nécessité d’y plonger, afin de s’en libérer.

Le décor (Jean Hazel) présente, au centre de la scène, un espace de jeu encavé; derrière, un haut mur percé d’une ouverture verticale. Par ce traitement symbolique de l’espace, le passé devient une fosse, autour de laquelle on tourne, par peur d’y entrer, dans laquelle Nine, par son récit, doit retourner, pour nommer sa souffrance et ainsi, peut-être, l’apprivoiser.

Difficile, pour Nine, de se raconter; difficile, aussi, d’écrire une telle histoire, parlant d’enfants maltraités, brisés par ceux qui devraient les aimer. Le texte repose donc en grande partie sur le pouvoir d’évocation de la parole, sur l’utilisation brillante de formules récurrentes et sur de très fortes images, dont l’ample métaphore du désert de Gobi, à la fois déchirement et source de réconfort.

Avec le dispositif simple et très peu d’accessoires, la mise en scène de Gill Champagne, qu’assiste Brigitte Fournier, fait large place au texte et aux comédiens. La magie du verbe, qui sert à convoquer, à conjurer, et celle du jeu, opèrent en général. Malgré la prestation moins assurée en début de soirée, la pièce devient rapidement troublante, et présente des moments très beaux ou poignants.

Au sortir du spectacle, il reste, toutefois, une impression de distance, dans une pièce traitant pourtant d’un sujet bouleversant. Choix de mise en scène? Nature du personnage de Nine, déployant toute sa volonté pour se défendre de sa fragilité? Quelle qu’en soit la raison, on aurait aimé, malgré une touchante interprétation de Catherine Rousseau, sentir avec plus de constance la fêlure de Nine, qui n’apparaît que par moments, à travers les mots ou lors de scènes plus intenses.

Outre cette réserve, Le Désir de Gobi apparaît comme une pièce forte, abordant avec sensibilité un sujet grave, et suggérant avec éloquence les pouvoirs de l’imaginaire pour affronter, et parfois vaincre, le pire.

Jusqu’au 28 février
À la Nouvelle Scène
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