Marc Favreau : Sol fertile
Scène

Marc Favreau : Sol fertile

Il est né en noir et blanc: le sourire immense, l’œil cerné, le chapeau défraîchi et le manteau troué. Avec sa bouille de clochard naïf, SOL dessine avec les mots. Fertilité  langagière.

Il y a l’homme, Marc Favreau et il y a l’enfant qui vit en lui depuis 46 ans, Sol. Trois lettres de l’alphabet qui en disent long à de nombreuses générations québécoises. Le maître des mots, des métaphores et de la contrepèterie de 74 ans, n’a plus d’âge lorsqu’il revêt le costume de Sol. "Il est plus intéressant que moi. C’est qu’il a des facettes qui ne sont pas quotidiennes. Il a des qualités qui, à mon sens, sont énormes: c’est un monument de la candeur, de la naïveté… Il se livre comme un enfant, donc forcément il dit des vérités, il n’a pas de censure", explique le comédien.

Si Sol n’est vivant que par Favreau, Favreau ne peut vivre sans Sol. Ce vagabond qu’il traîne depuis le début de sa carrière n’a pas évolué, il s’est contenté de regarder le monde bouger. Ainsi, Sol est le moteur du comédien, son exutoire, son divan de psychanalyste: "Je fais tous les efforts du monde pour essayer de remonter jusqu’à mon enfance. J’ai fait une espèce d’auto-analyse et j’ai certains petits souvenirs. Ça aide, non pas à rester jeune, parce que c’est impossible, mais à vieillir jeune!"

L’auguste clown vient dans la région à l’occasion du trentième anniversaire de l’Impératif français, fondation vouée à la défense et à la promotion de la langue française. Il semblerait que l’acrobate des mots n’ait pas abandonné ses vieilles batailles: "La langue, c’est mon outil de travail depuis toujours. C’est extrêmement important, il faut faire attention de ne pas l’abîmer. Ce n’est pas l’anglais qui nous menace, c’est notre paresse, notre négligence, explique l’homme parfaitement bilingue, qui a appris l’anglais, gamin, dans les rues de son quartier. Le mot "cerf-volant" est beaucoup plus agréable que "kite" en anglais. Elle est si riche notre langue, si imagée."

Le poète-humoriste, interpellé par les grands bouleversements et la bêtise humaine, n’est pas prêt de donner son congé à Sol. La santé à toute épreuve et l’œil vif, sa curiosité, héritée de son père ne s’est jamais calmé. "Je ne suis pas de ceux qui disent "Ah! le bon vieux temps", je pense plutôt à l’avenir. C’est sûr qu’il y des choses oubliées en chemin, mais aujourd’hui on se laisse trop envahir par des millions d’images électroniques. On a oublié le sens de l’effort, on peut devenir sclérosé du cerveau, c’est dangereux", affirme Favreau.

Intarissable, l’artiste sillonne donc les routes depuis quelques années avec son spectacle intitulée Retour aux souches, composé de monologues de son répertoire. Il est également en processus d’écriture de matériel, qu’il prévoit pour 2005. "Je n’ai pas besoin d’être à l’affût de l’inspiration, ça m’arrive continuellement des journaux, des bulletins d’informations. Ça exige un entraînement tout de même, parce que les gens n’observent plus, ne s’émerveillent plus, mangent sans goûter… J’essaie de goûter à la vie, le plus possible", conclut l’homme de cœur, sage.

Le 6 mars
Au Collège de l’Outaouais
Gatineau (Hull)
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