The Busker's Opera : Diversité culturelle
Scène

The Busker’s Opera : Diversité culturelle

"L’art n’existe plus, on parle maintenant d’industrie culturelle." Tel est le discours de M. Peachum (Kevin McCoy), qui exprime sa fierté de requin nageant dans les eaux du show-business. Cette belle réflexion, librement traduite, est issue des textes de liaison situant les chansons écrites en 1728 dans le contexte actuel. De ces airs londoniens, ne restent que les mots, pratiquement intacts, et quelques mélodies ou clins d’œil aux arrangements originaux de l’opus comique de John Gay. Alors que L’Opéra du gueux brodait autour des sans-abri, le spectacle de Robert Lepage transpose l’action dans le monde des musiciens, du saltimbanque à la vedette rock.

Nous pouvons entendre, dans une même plage musicale, Cécile Boulin-Peachum (Frédérike Bédard) chanter des extraits de La Guerre des étoiles, de Perdus dans l’espace et de The Immigrant Song (Led Zeppelin), qui chevauchent un texte irrévérencieux et grivois de près de 300 ans dont le rythme est marqué par l’extraordinaire batteur Frédéric Lebrasseur, bien connu de la scène de la musique actuelle et… folklorique. On a affaire à un sérieux mélange des genres musicaux et artistiques. Si Polly Peachum (Julie Fainer, alias D.J. Killa-Jewel) nous fait quelques séances rap, scratch et techno, Macheath (Marco Poulin) nous amène en terrain punk et Lucy Lockit (Véronika Makdissi-Warren) nous offre des partitas pour violon seul et des chants arabes. Tous ensemble, ils nous chantent du country en exécutant une danse en ligne. Ils changent de genre comme ils changent de costume (et de couleur de peau!), c’est-à-dire sans qu’on se rende compte de la transition.

C’est une comédie musicale, certes, mais loin de la mièvrerie et du consensus. Au lieu du festival des organes vocaux auquel nous a habitués le genre, The Busker’s Opera regroupe des artistes multi-instrumentistes dans une mise en scène ingénieuse favorisant le climat de fête tout en installant un langage dramatique capable de porter une critique sociale. Le décor et ses multiples ruses ne sont pas sans rappeler le dernier spectacle de Peter Gabriel, également signé Lepage. Or, si Gabriel semblait un peu prisonnier de cette technologie, les artistes du Busker’s coulent au milieu de ces contraintes scéniques qui s’effacent devant le merveilleux. Joyeux mélange de talents, de contenu et de divertissement.

Jusqu’au 29 février et du 4 au 6 mars
Au Spectrum de Montréal
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