Bachelor : Oh toi ma Dolorès!
C’est indéniable, Sylvie Léonard est une excellente comédienne. Avec Bachelor, écrit par Louis Saia et Louise Roy, mis en scène par Yves Desgagnés et bientôt en supplémentaires, celle que l’on a qualifiée tour à tour de grande tragédienne et de grande comique revient sur scène en nous offrant un éventail de ses multiples talents.
Dolorès, cette décoratrice de vitrine qui est l’unique personnage de la pièce, nous livre un incessant babillage qui rassemble autant d’observations judicieuses sur le genre humain que de futilités troublantes évoquant le déclin d’une société où le paraître tient plus que jamais le haut du pavé. À travers Dolorès, on reconnaît les hommes de sa vie et ses collègues de travail comme s’ils étaient sur scène avec elle. Ce personnage ne saurait peut-être pas différencier un Rembrandt d’un Muriel Millard, mais il n’est pas non plus dépourvu d’outils. Dolorès possède une connaissance étourdissante des tendances de l’heure et un sens de l’humour qui en décontenancerait plusieurs, aussi articulés soient-ils. Elle a son raisonnement, sa logique, et puis voilà. Elle vit dans un monde parallèle, celui de la mode et de la décoration, qu’elle prétend maîtriser, tout comme elle prétend contrôler son célibat ou ses amours passe-temps. À travers sa légèreté pointe une détresse, qui au fur et à mesure s’affranchit jusqu’au point de dominer le monologue. C’est toujours drôle, toujours divertissant, mais disons que la seconde moitié de la pièce est, somme toute, assez dérangeante. On rit jaune devant la tristesse de celle qui fait le clown avec autant d’efficacité qu’en début de pièce, mais qui dévoile plus que jamais son sentiment de vide, de solitude, ainsi que le ridicule de son passé, de son présent, tout comme elle expose son inquiétude face à l’avenir.
Il est assez troublant de suivre le discours de quelqu’un qui semble en parfait contrôle, qui sait tirer un brin de bonheur de toutes les situations, mais qui tout d’un coup déballe l’échec de sa vie avec une lucidité aussi imprévisible que la situation. La surprise est d’autant plus grande que le niveau de l’humour jusqu’alors présenté prend une autre dimension. La pièce est drôle, très drôle même. Mais la charge émotive que le texte et la comédienne nous offrent pousse le rire jusqu’à la réflexion.
Du 10 au 14 mars
Au Théâtre Corona
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