La Mémoire de l’eau : Trou de mémoire
On se croirait devant le petit écran. Devant un téléroman bien fignolé. Voilà bien le problème, car nous sommes au théâtre, en présence de bons comédiens. Peut-être est-ce un manque d’investissement de part et d’autre, mais il semble que cette belle équipe n’ait pas trouvé le texte de Shelagh Stephenson assez stimulant pour se risquer à un peu plus d’abandon. Pénétrer le texte suffisamment pour nous déjouer, nous surprendre.
La Mémoire de l’eau est pourtant un texte qui contient une certaine teneur dramatique, mais ici, malgré tous les ingrédients de qualité réunis, personne ne semble vouloir se mettre en danger, ni même avoir assez de corde pour le faire. Personne ne saute la clôture; on reste dans les limites de l’honnête prestation. Tout est à sa place, rien ne dérange, alors on apprécie, mais sans plus.
L’histoire met en scène trois sœurs fort différentes (jouées par Marie-France Marcotte, Marie Michaud et Marie-Chantal Perron), qui se retrouvent au moment d’enterrer leur mère (Markita Boies). Chacune d’entre elles aborde le deuil et assume le choc à sa manière, comme chacune entretenait une relation singulière avec la mère. Elles avaient d’ailleurs toutes pris leurs distances avec celle-ci. Le sujet, plusieurs fois visité, oscille entre l’humour pince-sans-rire et la farce grasse qui prend place au milieu d’une situation grave censée ouvrir des portes aux moments sérieux et intenses. C’est Marie-France Marcotte qui doit le plus ramer afin de rendre crédibles ces douteux moments dramatiques. Son personnage, parfois drabe mais d’une intelligence rabat-joie amusante, est bien mené par la comédienne aux prises avec des échanges prévisibles et superficiels avec une mère-fantôme vaporeuse. Marie Michaud, qui incarne un personnage plus surprenant, offre quelques moments forts malgré les impératifs de l’humour gras qui sous-tend le texte. Quant à Marie-Chantal Perron, eh bien on lui a collé un rôle qu’elle connaît déjà très bien: un personnage criard, coloré, espiègle, drôlet et sympathique. Dommage, elle serait sûrement ravie de nous dévoiler d’autres facettes de son talent. Les amoureux de ces dames, Henri Chassé et Claude Prégent, pourtant des comédiens doués, n’apportent rien de plus à cette pièce qui tient davantage du divertissement que du théâtre.
Jusqu’au 27 mars
Au Théâtre Jean-Duceppe
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