Le désir de Gobi : Le désir de Gobi… et celui de créer
Scène

Le désir de Gobi : Le désir de Gobi… et celui de créer

À la fois auteur, comédien, metteur en scène, directeur artistique et enseignant, PATRICK QUINTAL est un formidable touche-à-tout. Entre un cours donné à l’Université de Sherbrooke et une représentation à Ottawa, il a trouvé le temps de parler de sa carrière, mais surtout de la nouvelle coproduction du Théâtre du Double Signe, Le Désir de Gobi. Rencontre avec un homme qui a façonné le paysage théâtral de la région.

Le Désir de Gobi est rien de moins qu’un direct au cœur. La pièce raconte l’histoire de Nine (Catherine Rousseau), une petite fille abandonnée par sa mère et séquestrée par son père pendant un an. Nine voudrait fuir dans le désert de Gobi avec son ami Colas (Marc-André Charrette), mais un psy, le Morlock (Patrick Quintal), arrive à gagner sa confiance et à l’arracher à son cauchemar.

Le sujet de la pièce est lourd, mais s’allège grâce aux envolées lyriques du texte. "Il y a toute une dimension poétique, onirique, fantastique à la pièce, explique Patrick Quintal. Le sujet est traité avec délicatesse." Si la dimension poétique est aussi présente, c’est parce que Nine entretient des liens particuliers avec les mots et le langage. Lorsqu’elle était enfermée, seuls les dictionnaires l’accompagnaient dans sa solitude. "Son imaginaire, c’est sa survie", souligne celui qui incarne le Morlock. La dimension poétique du texte est appuyée par la mise en scène de Gill Champagne, récipiendaire du Masque 2004 pour Le roi se meurt d’Eugène Ionesco. Comme le mentionne Patrick Quintal, Gill Champagne s’inspire beaucoup des arts visuels pour créer ses mises en scène. "Il y a une certaine sobriété et une abstraction intéressante dans la mise en scène. On aurait pu monter ça dans le bureau du psy." Mais à la place du classique bureau, c’est le désert de Gobi que les spectateurs verront en toile de fond.

L’union fait la force
Le Désir de Gobi est une coproduction du Théâtre du Double Signe, du Théâtre Trilium d’Ottawa et du Théâtre Blanc de Québec. Plusieurs raisons ont motivé les trois théâtres à s’associer dans l’aventure. "Les trois compagnies vivent à peu près la même réalité et ont à peu près le même âge. Nous vivons aussi les mêmes problèmes au niveau de la diffusion. Dans nos milieux respectifs, on peut difficilement se permettre de faire plus de 10 ou 12 représentations. C’est frustrant, parce que lorsque le show est rodé, c’est déjà fini!" explique le directeur artistique du Double Signe. "Cette fois-ci, on sait qu’on donne 40 représentations en partant. C’est très motivant. Quand on va arriver à Sherbrooke, on va avoir joué la pièce 28 fois!"

Heureux mélange que cette coproduction. Les deux autres comédiens de la pièce proviennent du Théâtre Trilium et l’équipe de scénographie (Gill Champagne et son fidèle complice, Jean Hazel) vient de Québec. L’environnement sonore de la pièce est signé Jacques Jobin et les costumes ont été conçus par Sylvie Baillargeon, tous deux associés de près au Double Signe. "Et tout ça s’est très bien amarré", souligne Patrick Quintal.

Le cofondateur du Double Signe est un habitué mais surtout un fervent partisan des collaborations. La dimension collective du travail théâtral l’allume particulièrement. Quand on lui demande s’il se voit d’abord comme un auteur, un comédien, un metteur en scène ou un directeur artistique, c’est l’auteur qui prime. "Mon premier réflexe dans un projet, c’est de le penser comme créateur, donc comme auteur. L’écriture, c’est le matériau de base. Mais j’ai toujours aimé m’impliquer par la suite. J’y vois une continuité", mentionne-t-il entre deux bouchées d’un sandwich avalé sur le pouce. Il peut même arriver que l’équipe s’implique dans le travail d’écriture de Quintal. "Parfois, je veux qu’on trouve la façon de raconter l’histoire avant même qu’une ligne soit écrite."

Premières amours
Chez Quintal, l’amour du texte et du jeu remonte au temps des études. Après son cégep en lettres à Granby, il s’inscrit à la défunte option théâtre de l’Université de Sherbrooke. C’est là qu’est montée sa toute première pièce Ménaques et les Tieux. Depuis, il a écrit une vingtaine de pièces, dont neuf pour le théâtre du Double Signe. Il a aussi écrit pour la télévision, surtout des séries documentaires.

À sa sortie de l’université, Patrick Quintal fonde le Théâtre de la Poursuite, qu’il quitte en 1984 pour créer le Double Signe en 1985 avec Laurence Tardi. En 19 ans, le théâtre sherbrookois a connu une importante évolution, tant à l’échelle régionale que nationale. "Dès le début, on louait des salles à Montréal. On avait envie que notre travail soit diffusé", note l’homme de théâtre.

Le regretté metteur en scène Jean-Pierre Ronfard comptait d’ailleurs parmi les fidèles du Double Signe à Montréal. Et lorsqu’on demande à Patrick Quintal quel est son plus beau moment de théâtre, il raconte – après une longue réflexion – que Ronfard a déjà pris la peine de l’appeler à son bureau pour le féliciter après avoir vu 100 % humain. Il se rappelle aussi ce moment où, après une représentation de Sur le bord de la fenêtre, un tout petit chien en flammes à la Licorne, un couple était resté un long moment dans la salle, l’un consolant l’autre qui pleurait à chaudes larmes.

Le Printemps du Double Signe
Le Théâtre du Double Signe a certes connu une intéressante évolution, mais a choisi de demeurer fidèle à ses origines, en permettant notamment à des comédiens amateurs de monter des pièces avec la collaboration des professionnels. La formule des ateliers fait même partie de la charte du théâtre. "Au départ, on a créé les ateliers pour continuer à vivre de notre travail", raconte Patrick Quintal.

Cette année, les ateliers permettront au public de voir sept pièces des auteurs québécois Marc-Antoine Cyr, Marie-Thérèse Quinton, Pierre Michel Tremblay, Anne Hébert, François Archambault, René-Daniel Dubois et Michel Tremblay. Les représentations auront lieu du 21 avril au 5 juin, à raison de quatre représentations par pièce.

Les ateliers s’inscrivent dans l’événement Le Printemps du Double Signe, qui fait d’abord place à une production professionnelle – cette année, Le Désir de Gobi – et ensuite aux pièces montées durant les ateliers. Depuis l’an passé, l’intéressant concours littéraire Douze en scène est venu enrichir l’événement. Une seule contrainte est imposée aux auteurs participants: écrire une pièce pour 12 personnages. "Il est de moins en moins possible de monter des pièces avec autant de personnages. Le concours donne cette possibilité-là." L’an passé, c’est Cabano P.Q. qui avait remporté les grands honneurs. Cette année, une lecture publique de l’œuvre gagnante sera faite en juin. Décidément, le printemps promet du très bon théâtre.

Du 5 au 20 mars
Au Théâtre Léonard-Saint-Laurent
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