Turcaret – Entrevue avec Guy Daniel Tremblay : Jeu de dupes
Après le réalisme de 24 Poses, l’univers de fable de La Bonne Âme du Setchouan, la fantaisie des marionnettes de La Bible, GUY DANIEL TREMBLAY fait un saut dans la France du XVIIIe siècle. Il incarne Turcaret, personnage donnant son titre à la comédie d’ALAIN-RENÉ LESAGE.
Turcaret est un financier qui, à défaut des titres de noblesse qu’il aimerait bien porter, détient un pouvoir important, grandissant au XVIIIe siècle: celui de l’argent. La bourgeoisie d’affaires, en effet, se développe à l’époque où Lesage écrit sa pièce. Mais le portrait de cette classe et des mœurs contemporaines que peint Turcaret n’a pas plu: une dizaine de jours après sa création, en 1709, la pièce est retirée, à la suite de pressions diverses.
Homme d’affaires à la morale un peu souple, Turcaret s’enrichit, notamment, aux dépens du peuple. "C’est un requin de la finance", avance Guy Daniel Tremblay. Amoureux d’une jeune et jolie baronne, cet esprit calculateur se révèle toutefois, devant l’élue de son cœur, "plus naïf, plus tendre. Il est alors vulnérable, et on abuse de lui". Trop charmé pour s’en apercevoir, Turcaret se fait exploiter par sa belle, elle-même bernée par son deuxième amant, à qui elle donnerait tout, celui-ci floué par son valet… "Tout le monde plume quelqu’un! s’exclame le comédien. Et c’est Turcaret qui signe le chèque…"
"Ce dont la pièce parle vraiment, c’est de l’argent, de ce que les gens sont prêts à faire pour en avoir, pour profiter du pouvoir que ça apporte. L’appât du gain: c’est la motivation principale du spectacle. Mais il y a aussi, dans la pièce, du vrai amour – même si c’est pas toujours dans les deux sens -, des vrais sentiments. Et comme Michel Nadeau l’a montée, c’est pas tout blanc ou tout noir: il y a de belles zones grises. Par exemple, la Baronne exploite Turcaret; mais dans le fond, elle ne le déteste pas."
"Même s’il fait parfois des choses désagréables, Turcaret reste sympathique", explique Guy Daniel Tremblay. Il participe au bal des profiteurs que sont tous, ou peu s’en faut, les personnages de la pièce. "Tout le monde veut quelque chose, et fait, selon son habileté, sa petite manœuvre pour l’obtenir. Mais personne n’est foncièrement méchant. Ils veulent tous de l’argent, et il y a un personnage, à la fin, qui en gagne plus que les autres… C’est bien ficelé; et comme partition, c’est très agréable à jouer. Michel en a fait une pièce d’acteurs: c’est l’interprétation qui compte. Plus on s’amuse, plus ça va être drôle: c’est vraiment du bonbon."
Et avec des rôles aussi divers que ceux interprétés cette année, comment le comédien travaille-t-il ? "Le dénominateur commun, c’est soi-même. J’ai lu une fois que le théâtre, c’est agir avec sincérité dans des circonstances imaginaires. Le metteur en scène, la pièce amènent un univers dans lequel se place ma sensibilité, et la petite boule d’émotions qu’on est réagit à ça. Il y a quelque chose qui est toujours là, le petit soi-même, et il y a le monde dans lequel on le place: un personnage, c’est une peau, un manteau que tu mets."
Les comédiens Véronique Aubut, Emmanuel Bédard, Vincent Champoux, Hugues Frenette, Marie-Ginette Guay, France LaRochelle, Pierre-François Legendre, Dominique Marier, Jean-Sébastien Ouellette, Ghislaine Vincent et les concepteurs Monique Dion, Catherine Higgins, Denis Guérette, Yves Dubois, Élène Pearson et Véronique Côté complètent l’équipe.
Jusqu’au 27 mars
Au Grand Théâtre
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