Carnet de damnés : Cris et chuchotements
Il faut admettre que c’est avec une bien étrange cérémonie que les plus récents finissants de l’Option-théâtre du Collège Lionel-Groulx signent l’acte de naissance de leur collectif, Fragmen Théâtre. Malgré le compréhensible engouement ressenti par les 11 acteurs de la compagnie pour cet exercice pédagogique qui s’appuie du tout au tout sur leurs ressources créatrices, on ne saurait expliquer les raisons de son passage à la scène professionnelle. Utilisant comme prétexte le chef-d’œuvre de Rimbaud, Une saison en enfer, ce spectacle présente les qualités et les défauts d’un laboratoire. Affranchis des contraintes du réalisme, les acteurs-créateurs (tout de même dirigés par Claude Laroche) se sont autorisé les plus diverses expérimentations. Si leur démarche propose quelques moments très réussis d’un point de vue formel, ces très significatifs tableaux sont malheureusement ensevelis sous une pléthore de mouvements et de sons: une agitation qui, aux yeux du spectateur, semble exceptionnellement vaine.
Au fond, composant une forêt translucide, quelques tissus traversent verticalement la scène. Au centre d’un plateau jonché de cendres, se trouvent le poète et sa luminescente machine à écrire. Alors que la figure de l’écrivain devrait organiser la profusion de signes dont la représentation use, celle-ci ne cesse de s’estomper. Accoutrées de sous-vêtements souillés et déchirés, les dix entités qui entourent le poète, indistinctement muses et démons, s’adonnent à un ballet effréné dont le sens demeure insondable. Allant d’une transe à l’autre, paroxysmes successifs de mouvements et de cris, les membres de ce chœur infernal semblent assouvir une quête dont ils sont seuls à connaître l’origine.
Territoire en friche, ce Carnet de damnés est un capharnaüm où s’amassent, pêle-mêle, trouvailles et déceptions. Les tableaux se succèdent comme une suite de numéros sans enchaînement logique ou cohésion. Bien que certaines scènes tirent habilement profit des rapports de force qui s’établissent entre le groupe et l’individu, la plupart ne donnent naissance qu’à des cacophonies sonores et gestuelles. Si ces nouveaux venus font l’indéniable preuve de leur engagement, il demeure malaisé de juger de leur talent au sein d’une telle entreprise.
Jusqu’au 20 mars
À la Salle Fred-Barry
Voir calendrier Théâtre