Carole Fréchette : Perles d'Orient
Scène

Carole Fréchette : Perles d’Orient

À la veille de la création montréalaise du Collier d’Hélène, CAROLE FRÉCHETTE se remémore le surprenant chemin qu’a parcouru sa pièce avant d’investir la scène du Théâtre d’Aujourd’hui.

Tout a commencé au printemps 2000, alors que Carole Fréchette passe un mois au Liban dans le cadre d’un séjour d’écriture. Ce premier contact avec le Moyen-Orient et les cicatrices de la guerre ébranlent la dramaturge. Empathique, sans parvenir à quitter son statut d’étrangère nord-américaine, elle se questionne sur la capacité d’un visiteur à communier véritablement avec la douleur de l’autre. De retour à sa table de travail montréalaise, devant livrer un texte sur le thème des frontières, elle ne voit d’autres perspectives à adopter que la sienne. Ainsi s’impose le personnage d’Hélène, une femme venue du Nord, de passage dans un pays du Sud. Partie à la recherche d’un banal collier de perles égaré dans les rues d’une ville qui pourrait être Beyrouth, cette dernière confronte sa dérisoire souffrance à celle des gens qu’elle croise. Guidée dans sa quête absurde par un chauffeur de taxi aux allures d’ange gardien, elle rencontrera des individus ayant perdu bien davantage qu’un collier.

Carole Fréchette, qui se consacre entièrement à l’écriture dramatique depuis maintenant 11 ans, est tout particulièrement attachée au personnage d’Hélène. "Il a été clair dès le départ que j’allais prendre le point de vue d’une étrangère et confronter cette femme à une culture, une histoire et une réalité qui soient tout autres que les siennes. Je ne voulais pas simplement observer une situation de l’extérieur, je voulais chercher à comprendre l’autre à travers moi, témoigner du choc que j’avais ressenti et du sentiment d’impuissance que m’inspirait la peine gigantesque de l’autre. C’est probablement le personnage le plus près de moi que j’aie imaginé jusqu’ici."

Créations multiples
Depuis sa première lecture publique, la réputation de l’œuvre se propage de manière contagieuse. Après avoir été créé à Beyrouth en 2002 par le Français d’origine libanaise Nabil El Azan, Le Collier d’Hélène termine une tournée française par deux semaines de représentations au prestigieux Théâtre du Rond-Point à Paris. Après que des versions française, suisse, sénégalaise, acadienne et ontarienne eurent vu le jour, trois productions canadiennes et une adaptation cinématographique sont actuellement en préparation. Pour celle dont les mots ont retenti sur de si nombreuses scènes étrangères au cours des dernières années, voir son personnage enfin incarné par une Québécoise revêt une signification toute particulière. Consciente de la pression que le déjà lourd passé de la pièce fait reposer sur la création montréalaise, la dramaturge paraît malgré tout rassurée. La présence de Martin Faucher, qui avait signé la mise en scène des Quatre Morts de Marie et des Sept Jours de Simon Labrosse, semble y être pour beaucoup. "Le périple d’Hélène offre une théâtralité plus dépouillée que mes autres textes, il s’agit d’un véritable défi de mise en scène. Très sensible à mon écriture, Martin adopte la grande simplicité qui s’impose. En laissant cette seule parole faire naître les lieux, il démontre une confiance exceptionnelle en mes mots." Audacieux, Faucher a désigné Diane Lavallée pour incarner Hélène sur la scène du Théâtre d’Aujourd’hui. Souvent confinée aux rôles comiques, la comédienne trouvera une belle occasion de démontrer sa polyvalence. L’acteur algérien Agoumi, qui avait d’ailleurs pris part à la toute première lecture publique du texte, interprétera pour sa part tous les personnages placés sur la route d’Hélène.

Carole Fréchette, actuellement à l’écriture d’une nouvelle pièce, considère qu’elle a le privilège de voir la vie en mots. "Écrire pour le théâtre, c’est rentrer chez moi, répondre à mes intuitions les plus profondes. Puisque l’écriture est une activité de la maturité, je ne peux que me réjouir de pouvoir maintenant m’y consacrer."

Du 16 mars au 4 avril
Au Théâtre d’Aujourd’hui