Des roches dans ses poches : Foule sentimentale
Scène

Des roches dans ses poches : Foule sentimentale

Qui l’eût cru? La production présentée au Festival Juste pour rire se métamorphose en petite perle au Théâtre du Rideau Vert ces jours-ci. Des roches dans ses poches, mise en scène par Yves Desgagnés, nous séduit grâce à la grande habileté du duo d’acteurs que forment Bernard Fortin et Emmanuel Bilodeau. On les savait talentueux et rigolos, on les découvre ici virtuoses.

Deux figurants gaspésiens engagés sur le tournage hollywoodien installé dans leur village sont confrontés à un monde artificiel et sans pitié. L’un d’eux rêve de voir son scénario réalisé alors que l’autre souhaite devenir acteur. Or, voilà qu’un drame survient sur le plateau et que l’angle de leur vie en sera changé.

Tous les personnages demeurent interprétés par Fortin et Bilodeau, de la réalisatrice adjointe arriviste au régisseur de plateau franchouillard, en passant par l’actrice principale. Le défi s’amplifie alors que seuls les vêtements usuels des acteurs servent de points d’ancrage. Une épaule dénudée, un col relevé, parfois une tuque, rien ou presque n’indique au public les changements de personnage sinon le travail du corps d’une précision étonnante des deux acteurs. On s’étonne de voir une femme alors que Fortin ne module que le rythme de sa voix et son port de tête, on reste abasourdi devant un Bilodeau en adolescent hyperactif, mouvement hip-hop en sourdine. Ils sont émouvants et justes, bref, le travail de dégraissage effectué est probant.

L’ahurissement laisse place à l’enchantement lorsque les deux acteurs s’amusent à changer de rôle à une vitesse incroyable lors des rassemblements de foule. Notons à ce sujet une savoureuse danse folklorique, véritable procession de personnages. Les transitions particulièrement fines participent à l’illusion générale. Voilà peut-être où la mise en scène atteint sa plus grande force: elle colle à l’imagerie cinématographique sans moyens techniques, mis à part un écran en fond de scène évoquant une campagne magnifiée par la lentille. Outre cette direction d’acteurs rappelant le montage de micro-séquences et un générique en clin d’œil, mentionnons les trouvailles d’adaptation de René-Daniel Dubois à partir du texte de Marie Jones. Jouissif.

Jusqu’au 27 mars
Au Théâtre du Rideau Vert
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