Louisiane Nord : Journée d’Amérique
Avec Louisiane Nord, le Théâtre PàP propose un authentique dépaysement. En effet, tous les aspects du spectacle mis en scène par Claude Poissant concourent à nous transporter sur une île imaginaire sise au bout du monde. À l’origine de ce voyage, il y a la langue unique de François Godin, un amalgame de français et d’anglais dont la syntaxe est aussi alambiquée que savoureuse. Exprimant le désir et le désespoir avec autant de justesse, cette parole apparemment chaotique s’avère au contraire extrêmement cohérente. Souvent mélancolique, le discours des personnages ne s’égare jamais dans un lyrisme surfait; chacune des répliques ciselées s’ancre dans l’humanité manifeste des individus. Débusquant la gravité au creux de la banalité quotidienne, les dialogues de Godin imposent un ton aussi littéraire qu’oral. Si cette écriture constitue une véritable révélation, les différentes conceptions du spectacle savent très habilement lui rendre justice. Simon Guilbault imagine la berge sablonneuse qui sert de point d’ancrage aux personnages, André Rioux sature la toile de fond de superbes luminosités solaires, Maory Gastelo dévoile paradoxalement l’intimité des corps en les recouvrant d’étoffes et Ludovic Bonnier marque le passage du temps de ses enveloppantes guitares d’Amérique.
Si les enjeux de la pièce paraissent toujours clairs, c’est que la lecture de Poissant ne perd jamais de vue les motivations profondes des protagonistes. Le metteur en scène prend le parti judicieux de ne pas servir une histoire, mais bien la rencontre de cinq personnages à un moment précis de leur vie. Sa sensible direction d’acteur et ses choix esthétiques, aussi sobres qu’efficaces, témoignent d’une grande confiance en une partition qui, avec une trame narrative aussi ténue, en aurait effrayé plus d’un. Émilie Bibeau et Olivier Morin incarnent avec justesse les adolescents tourmentés, Vincent Leclerc impose tout naturellement la force tranquille de son aventurier, mais ce sont les deux sœurs interprétées par Marie-France Lambert et Louise Bombardier qui se révèlent de loin les plus émouvantes. Louisiane Nord prouve indéniablement que les horizons infinis de François Godin ont trouvé en Claude Poissant un guide à leur mesure.
Jusqu’au 20 mars
À l’Espace Go
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