¡Anarquista! – Entrevue avec Simone Chartrand et Philippe Soldevila : Il était une fois la révolution
Scène

¡Anarquista! – Entrevue avec Simone Chartrand et Philippe Soldevila : Il était une fois la révolution

Cofondateurs du Théâtre Sortie de Secours en 1989, SIMONE CHARTRAND et PHILIPPE SOLDEVILA n’en sont pas à leur première expérience de création commune. Après la révolution artistique qu’évoquait Le miel est plus doux que le sang, ils abordent la révolution sociale: ¡Anarquista!.

Avec ¡Anarquista!, l’auteure Simone Chartrand et le metteur en scène Philippe Soldevila, qui a aussi collaboré au texte, replongent dans l’Espagne des années 20. Se basant sur des événements historiques, s’inspirant de personnages réels – dont l’anarchiste Buenaventura Durruti -, ils injectent à cette tranche du passé quelques éléments fictifs. Créant des personnages, en modifiant d’autres, ils racontent l’histoire d’un groupe de révolutionnaires qui se donne pour tâche d’exécuter, selon une liste de gens à tuer, des personnes liées au pouvoir. Entre l’assassinat de l’Archevêque de Saragosse – moment où s’ouvre la pièce – et le projet d’exécution du roi Alphonse XIII, on suit les personnages dans leur entreprise.

Le ton, plutôt grave, n’exclut pas quelques sourires. "On parle de gens qui souffrent, asservis dans un système quasi féodal, explique Philippe Soldevila: 98 % de l’Espagne, à l’époque, est possédée par 5 % de la population. Analphabétisme, mortalité infantile, misère: c’est vraiment le Moyen Âge. C’est sûr qu’il y a de l’humour, des choses un peu surréalistes qui vont probablement provoquer le rire. Mais dans le fond, c’est assez effrayant."

Sans poser le dilemme moral de l’action terroriste, ¡Anarquista! montre des personnages voulant transformer leur monde. "Pour eux, l’important est de faire les choses, avance Simone Chartrand. Ils se disent eux-mêmes qu’ils ne possèdent pas la vérité, mais ils veulent abattre la monarchie. La maison brûle: il leur faut agir, plutôt que d’espérer des jours meilleurs."

Le texte évite de schématiser, de donner des réponses toutes simples à un problème complexe. "C’est fascinant de tomber dans l’anarchisme: ces idéaux-là, cette utopie-là, c’est assez émouvant, assez romantique aussi. Ça part de l’idée que l’être humain est essentiellement bon, donc si tu détruis toutes les bases de la société, ne restera que l’homme qui va grandir en fraternité. Mais ce n’est pas si simple, réfléchit le metteur en scène. Aborder une thématique comme celle-là, au point de vue moral, philosophique, c’est délicat. On ne peut pas le faire avec naïveté."

"Quand on répond naïvement, je trouve qu’on s’en débarrasse, enchaîne l’auteure. On ne se trempe pas vraiment dans le sujet. Je ne fais pas une histoire avec les bons, les méchants. Je ne crois pas, fondamentalement, qu’on soit bon ou méchant. C’est pour ça que dans toute la pièce, les personnages sont les deux à la fois: ils sont pleins de contradictions."

¡Anarquista! est le fruit de deux années de travail: recherche, développement de personnages puis, avec les comédiens et les concepteurs, improvisations, réflexion, discussions. "Depuis le début, les gens sont vraiment engagés dans le projet, assurent les deux créateurs. C’est vraiment une aventure théâtrale; et les gens ont l’impression de prendre parole."

"Ce que ça va donner, conclut Philippe Soldevila, on ne le sait jamais avant la première. Mais ce qui est certain, c’est qu’on a osé, on est vraiment allés au bout de quelque chose, sans compromis; et ça, on en est très fiers."

L’équipe est formée des concepteurs Stéphane Caron, Christian Fontaine, Isabelle Larivière, Louis-Marie Lavoie, Emmanuelle Kirouac-Sanche et des comédiens Jean-Jacqui Boutet, Philippe Dion-Boucher, Tania Kontoyanni, Jacques Laroche, Christian Michaud, Patrick Ouellet, Marie-France Tanguay.

Jusqu’au 10 avril
Au Théâtre Périscope
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