Critique: Without Men! (Ah ouain?) : Without Men! (Ah ouain?)
Scène

Critique: Without Men! (Ah ouain?) : Without Men! (Ah ouain?)

Jusqu’au 3 avril
Au Théâtre de la Bordée

Un plateau dépouillé, borné à l’arrière par un mur divisé en neuf larges carreaux qui, par des jeux d’éclairage (Sonoyo Nishikawa), changeront de couleur ou laisseront apparaître, en transparence, des ombres. Surfaces lisses, tons pâles, matériaux froids: le décor conçu par Monique Dion pour Without Men! (Ah ouain?) évoque, dès le premier coup d’œil, un univers moderne, aseptisé. Y prennent place une vidéaste et son film, dont les séquences sont jouées sous nos yeux.

En hauteur, au centre du mur, une ouverture: c’est là que se tient France, la vidéaste, qui nous convie à la regarder en train de faire le montage de son film, bâti à partir des échanges de cinq femmes fort différentes. Question de départ: "Peut-on réaliser un projet d’envergure sans homme?".

En bas, sur le plateau, se jouent les différents tableaux: discussions et confidences des femmes. Entre les scènes, musique rythmée et changement d’éclairage: elles déambulent alors en prenant des poses évoquant un défilé de mode. À cela s’ajoutent tableaux, sculptures, narrations.

La proposition scénique de Without Men! (Ah ouain?) ne manque pas d’intérêt: artiste démiurge, dominant, dans l’espace, son – ou ses – sujet, évocation, par le décor, des cadres emprisonnant parfois les femmes. Cependant, le texte de Pierre-Yves Lemieux, qui signe aussi la mise en scène, laisse perplexe: il annonce, par l’entremise de son personnage principal, une entreprise qu’il ne réalisera pas.

La pièce, on le dit à plusieurs reprises, se propose de présenter différents visages de la féminité, en ne retenant, dans les propos tenus par les cinq femmes, que les éléments qui font d’elles des archétypes. Pourtant, outre quelques échappées concernant le monde du travail, les batailles féministes et l’eugénisme, la pièce parle, surtout, de rapports de séduction et de sexualité, ce à quoi on ne saurait, évidemment, réduire la féminité. De plus, les femmes présentées, personnages assez marginaux, sont bien loin des archétypes. D’autre part, peu fouillés, les personnages ne sont pas toujours crédibles, et leurs propos restent la plupart du temps superficiels, se cantonnant souvent dans des clichés réducteurs.

Without Men! apparaît comme une pièce mal définie, au propos trop peu approfondi pour présenter, ou susciter, une réflexion sur la féminité. Restent le jeu en général assuré des comédiennes, l’utilisation intéressante de la scénographie, et deux beaux moments: une lettre d’amour que lit Jenny (Linda Laplante), et la complicité qui apparaît parfois entre les personnages, lors de quelques fous-rires.