Rencontre Nadine Thouin : Retour à la terre
Scène

Rencontre Nadine Thouin : Retour à la terre

Plutôt méconnue ici, l’artiste d’origine québécoise NADINE THOUIN est devenue, au fil des ans, une figure reconnue de la scène internationale de la danse.

Que Nadine Thouin soit perçue comme une étrangère dans son pays natal, cela s’explique en grande partie par le fait qu’elle a quitté Montréal en 1994, pour rouler sa bosse en Europe. "J’avais de la difficulté à trouver du travail ici, alors je me suis dit que c’était le bon moment d’aller voir ce que l’avenir me réservait ailleurs." Pour cette femme qui n’a écouté jusqu’ici que ses intuitions, cette décision sera la bonne… Deux ans seulement après son départ, elle fondera, avec l’acteur et musicien Jerry Snell, la compagnie Snell Thouin Project, à Paris. Avec une moyenne de deux productions par année, la STP a présenté, depuis sa fondation, l’ensemble de ses œuvres dans plus de 40 villes réparties dans une vingtaine de pays!

Langue universelle
La pièce Os, qui sera dansée à la Salle Maurice-O’Bready par la Beijing Modern Dance Company, est le fruit de la toute première collaboration sino-canadienne en danse contemporaine. Mais comment s’y prend-on pour chorégraphier lorsque aucun danseur ne parle le français ou l’anglais? "On a un traducteur, mais ce n’est pas l’idéal, car la communication entre nous n’est jamais directe. La forme de communication la plus directe que j’aie trouvée, jusqu’ici, c’est la danse. Je leur ai donc montré, au départ, ce que je voulais qu’ils fassent en dansant devant eux." Heureusement pour les interprètes, la chorégraphe croit dans le pouvoir universel du langage corporel.

Les œuvres de Nadine Thouin sont à son image: éclectiques, humaines et débordantes d’énergie. Elle possède une formation diversifiée – danse, théâtre, vidéo, mise en scène, enseignement – qui lui permet d’embrasser la création sous plusieurs angles. "Je chorégraphie comme un cinéaste. Je construis des storyboards, donc la lumière, la musique et la scénographie font partie dès le départ de la création. Je vois ça comme une globalité." Aussi croit-elle en l’investissement total de l’artiste dans son œuvre.

Corps engagé
C’est d’ailleurs ce qu’elle appelle être un artiste engagé… "Comme individu, nous vivons dans une société qui nous dicte souvent comment nous habiller, comment manger, comment aimer, comment penser… Ça me bouleverse de voir à quel point on est manipulé par cette société de consommation qui préfère nous vendre ses au lieu de nous apprendre comment communiquer nos sentiments et comment vivre notre spiritualité… comment rester en contact avec la terre et avec les valeurs primordiales." Il est donc important pour elle de maintenir une cohérence entre ce que l’on ressent, ce que l’on est et ce que l’on crée.

Os, comme son titre le suggère, est un clin d’œil à l’universel, mais aussi à l’histoire des relations humaines. "On possède tous des os. C’est aussi ce que l’on retrouve sur les sites archéologiques, lorsqu’on fouille notre passé. On peut déterminer l’âge des fossiles en les analysant. Ils sont porteurs de nos traces. Dans Os, je fouille les relations de couple à travers l’histoire de l’humanité. J’essaie de retourner, en quelque sorte, aux sources de la communication interindividuelle. Je joue donc avec la trame temporelle; je fais un voyage dans le temps. Mais aussi, j’explore l’espace, en ce sens que je fais apparaître celui qui sépare deux individus, tout comme je sonde l’espace intérieur d’un seul individu."

Cette 23e chorégraphie de Nadine Thouin ne sera pas la dernière. L’artiste multidisciplinaire travaille déjà à sa prochaine création, Stop. Un solo qui devrait être présenté d’ici 2005. Et qui marque, selon la chorégraphe-interprète, un nouveau départ…

Le 24 mars
À la Salle Maurice-O’Bready
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