Un moyen de maîtriser le silence – Entrevue avec Peggy Baker : Mature humaine
PEGGY BAKER avait dû annuler son spectacle il y a trois ans. Voici enfin l’occasion de la voir à l’œuvre.
Elle est sans conteste la Canadienne anglaise la plus reconnue parmi les interprètes en danse contemporaine. À plus de 50 ans, Peggy Baker se considère au sommet de son art. "Je sens que mon interprétation est plus riche, plus profonde et mieux articulée que jamais", dit-elle. Avec le temps, elle voit d’ailleurs de moins en moins de différence entre danser ses propres chorégraphies et livrer celles des autres. Pour elle, faire vivre la danse pour un public est un acte créatif complet.
La pièce-titre, Un moyen de maîtriser le silence, parle justement du mystère de ce mode d’expression éphémère qu’est la danse. La danseuse y joue avec la lumière de façon à ce qu’on ne voie jamais tout son corps à la fois. "Dans les autres pièces, on voit mon corps en entier et on peut penser qu’on voit tout, mais ce n’est pas le cas: on ne sait jamais tout d’une personne. Il y a des choses qu’on ne dit à personne et il y a des choses que les gens voient de nous sans qu’on s’en rende compte." Très courte, cette œuvre inédite est une sorte de clé pour envisager le reste du spectacle.
Au cours de la soirée, il y aura d’autres moments de silence, mais aussi des plages sans danse. Peggy Baker a en fait conçu le programme pour illustrer tout l’éventail des relations qu’elle peut avoir sur scène avec son pianiste Andrew Burashko, qu’elle considère davantage comme un partenaire que comme un accompagnateur.
C’est dans Heaven que leur interaction va le plus loin. La danseuse entre progressivement dans le jeu du pianiste tandis qu’il interprète Caesar Franck. "C’est vraiment beau et vraiment triste", dit-elle gravement à propos de cette chorégraphie de Doug Varone. Il y a aussi la situation classique, celle où chaque artiste demeure bien à sa place. Elle est illustrée par Savanna, une œuvre très abstraite que Molissa Fenley a créée pour Baker en 1995.
La complicité entre la danseuse et son pianiste est par contre bien tangible dans Unfold. La musique y joue un grand rôle puisque Peggy Baker s’y inspire de la palette d’émotions déployée par les 24 préludes op. 11 d’Alexander Scriabine. "J’essaie d’ouvrir des fenêtres sur différents aspects de moi. Il y a des émotions très fortes et certaines ne sont pas agréables du tout." Elle précise qu’elle y convie le public à un partage très intime sans chercher à donner une image de perfection. Peut-être est-ce cela, la maturité…
Du 1er au 3 avril
À la Salle Multi
Voir calendrier Danse