Le Collier d’Hélène : Femme-objet
Après diverses créations internationales, la pièce de Carole Fréchette, Le Collier d’Hélène, reçoit finalement son baptême québécois. À la recherche d’un collier de perles égaré quelque part dans les dédales d’une ville dévastée du Moyen-Orient, Hélène fera des rencontres qui changeront à jamais le cours de son existence. À la ligne d’arrivée, sa quête initiatique lui aura fait recouvrer bien davantage qu’un bijou.
Sous des apparences modestes, la pièce aborde des thèmes universels avec une sensibilité peu fréquente. La disparition du collier est avant tout la métaphore d’une identité fragilisée. Encore dans le sillage d’une récente rupture amoureuse, loin de chez elle pour assister à un congrès sur "la misère du monde", cette femme erre dans une ville ravagée par la guerre. Plus étrangère que jamais, amputée d’une partie d’elle-même, elle expérimente cruellement la solitude. Dépourvue de cette constellation de perles diaphanes qui la définissait, son ébranlement affectif et culturel devient palpable. La valeur émotive démesurée dont cet objet est investi n’est pas sans évoquer le rôle qu’occupe la consommation dans nos sociétés occidentales. Combien de nos contemporains se mirent dans les objets qu’ils possèdent, sans jamais parvenir à s’y percevoir distinctement? Sans l’ombre d’une complaisance, sans un soupçon de moralisation, la pièce propose à ce chapitre une prise de conscience aussi émouvante que nécessaire.
Mettant toute sa confiance dans le savoir-faire des acteurs, Martin Faucher apprivoise cet univers avec une très agréable retenue. Sur un plateau presque nu, les deux partenaires de jeu tissent une relation qui s’étoffe d’une scène à l’autre. Si octroyer le rôle d’Hélène à une actrice aux antécédents comiques était un choix audacieux, offrir tous les autres personnages à un seul et unique acteur représentait également un certain risque. Un risque payant, puisque l’interprétation de Diane Lavallée convainc dès les premiers instants de la représentation et que celle d’Agoumi s’avère troublante de sincérité. Grâce à eux, longtemps après que les applaudissements eurent cessé, l’émotion et la réflexion demeurent.
Jusqu’au 4 avril
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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