Nathalie Blanchet : Les yeux du cour
La chorégraphe-interprète NATHALIE BLANCHET revient à Tangente pour nous présenter sa toute dernière création, Ronaldo et Mariloue. Un "duo pour solistes" ayant comme objet principal les différences de perception.
"J’ai cru remarquer qu’on trafique souvent nos souvenirs lorsqu’on les raconte aux autres. On fait d’ailleurs la même chose avec les souvenirs des autres. On les embellit, on les censure, on les modifie, etc." Tout ça est une question de perception, selon Nathalie Blanchet. La pièce qu’elle nous propose a d’ailleurs comme source une anecdote mettant en relief cette subjectivité propre à la perception: "Ma mère voulait m’appeler Mariloue, mais mon grand-père ne voulait pas, car il avait connu une prostituée du même nom durant la Deuxième Guerre mondiale. À cause de la perception que mon grand-père avait de ce nom, je ne l’ai pas porté. Je me demande ce que ma vie aurait été si je m’étais appelée Mariloue. Aurait-ce été différent?"
Ronaldo et Mariloue n’est pas la dramatisation dansée d’une histoire d’amour qui aurait pu avoir lieu entre son grand-père et une prostituée durant la guerre, tient à préciser la chorégraphe. Il s’agit plutôt d’un triptyque poétique, constitué de deux solos suivis d’un duo. "J’aime la forme du triptyque, souligne Nathalie Blanchet. Mes pièces précédentes était toutes conçues selon un patron ternaire. Ma dernière création n’y échappe pas. Cela provient de ma fascination pour les haïkus japonais, dont la structure comprend trois vers."
Les deux solos – dansés par Stéphane Deligny et la chorégraphe – donnent à voir une même gestuelle interprétée par deux corps différents. "Ce qui rend cette séquence différente, c’est l’appropriation que Stéphane et moi avons faite du mouvement." De la même manière – et c’est, je crois, ce qui rend cette mise en abyme intéressante -, nous allons également, en tant que spectateurs, nous approprier différemment, par contagion kinesthésique, cette gestuelle. Elle n’aura donc pas la même résonance pour chacun et les souvenirs que vous construirez à partir de cette chorégraphie seront teintés d’une certaine singularité. D’où la cohérence avec le propos initial de cette pièce, qui tourne autour des choix perceptifs (pas toujours conscients) que nous faisons.
Nathalie Blanchet, qu’on voit circuler depuis un certain temps dans le circuit effréné de la création contemporaine en danse – davantage en tant qu’interprète qu’en tant que chorégraphe -, considère cette création chorégraphique comme un temps de respiration dans sa vie; un petit moment de lenteur assumée qu’elle nous offre généreusement. Et qu’elle place volontairement en contraste avec nos vies souvent réglées en fonction du rythme accéléré des grands centres urbains.
Cette pièce nous est présentée en soirée partagée aux côtés de Still de Suzanna Hood. La chorégraphe, originaire de Toronto, dansera ce solo en compagnie d’un collaborateur de longue date, le musicien Nilan Perera. Il s’agit d’une œuvre alliant travail de la voix et du mouvement, dans lequel on a volontairement misé sur l’aspect instrumental du corps.
Du 25 au 28 mars
À Tangente
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