Violette Chauveau : Musique de chambres
Si la comédienne VIOLETTE CHAUVEAU semble prédisposée à jouer Feydeau, elle en est pourtant à sa première expérience alors que NORMAND CHOUINARD la dirige dans L’Hôtel du libre-échange, la pièce clôturant la 52e saison du TNM.
Depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 1986, Violette Chauveau a incarné avec autant de doigté les figures féminines de Goldoni et Molière que celles de Geneviève Billette et Michel Tremblay. Ayant à son actif une trentaine de rôles au théâtre, elle s’est bâti une solide réputation avec son jeu aussi athlétique que sensible. Après avoir œuvré sous la houlette des plus grands metteurs en scène d’ici (Brassard, Gravel, Champagne, Poissant, Cyr et Buissonneau, pour ne nommer que ceux-là), elle travaille actuellement sous la direction de l’homme qui partage sa vie: Normand Chouinard. En incarnant Marcelle dans L’Hôtel du libre-échange de Georges Feydeau, l’actrice chevronnée prend part, pour la première fois, à un délirant ballet conjugal signé par le maître incontesté du vaudeville.
Au cœur d’une intrigue où les imbroglios se multiplient, Violette Chauveau tient le rôle d’une femme qui ne parvient plus à refouler sa sensualité et ses pulsions. Mariée à un homme qui ne lui fait pas l’amour (Rémy Girard), elle va céder aux avances d’un ami de son mari (Benoît Brière), lui-même époux d’une dame infiniment naïve (Pierrette Robitaille). Surviennent alors des moments rocambolesques qui impliqueront la participation de nombreux personnages (au total, 16 acteurs et un musicien se partageront la scène). "Pour s’assurer de suivre la cadence de ce manège extrêmement bien huilé et trouver le dosage nécessaire à chacune des scènes, il faut impérativement jouer la vérité des situations, croit la comédienne. Sonder la psychologie de ces personnages serait inutile, il faut s’abandonner à l’aventure comme on monterait à bord d’un train en marche."
Le cas Feydeau
Alors que le dramaturge semble avoir la cote auprès des créateurs de l’Hexagone, rares sont les artistes d’ici à endosser le théâtre de Feydeau. Et voilà qu’après les relectures proposées par Brigitte Haentjens au Rideau Vert, Normand Chouinard s’attaque à l’un des titres les moins connus du vaste répertoire de Feydeau. Serait-ce les premiers signes d’un regain d’intérêt envers les décapantes peintures sociales de l’écrivain du 19e siècle? Comme l’explique la comédienne, il s’agit d’une dramaturgie plus corrosive qu’on ne le croit. "L’Hôtel du libre-échange est une pièce légère et ludique qui s’inscrit dans la plus pure tradition du vaudeville. Les portes y claquent et les "Ciel, mon mari!" y fusent. Pourtant, si elle recèle une implacable machinerie comique, sa logique s’avère également excessivement cruelle."
Pour Chouinard, qui a amplement joué Feydeau sur les scènes montréalaises, les rouages de cette mécanique ne comportent plus de secrets. S’il a choisi de situer son hôtel dans la période d’effervescence ouvrant le 20e siècle, c’est pour que toutes les conceptions du spectacle soient imprégnées de la révolution industrielle et culturelle qui a vu naître en France le métropolitain et l’Exposition universelle.
Tout près du soir de la première, Violette Chauveau refuse de penser au résultat final. Modeste, elle hésite même à admettre que ses forces d’actrice la prédestinaient à jouer Feydeau. "C’est dans ma nature de me remettre constamment en question. Je me fais un devoir d’explorer de nombreuses avenues avant de trouver celle qui convient. Je veux m’assurer de ne jamais enfiler mes vieilles pantoufles." Voilà une très noble volonté qui devrait permettre à cette talentueuse comédienne de nous surprendre encore longtemps.
Du 30 mars au 24 avril
Au Théâtre du Nouveau Monde
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