Cette fille-là : Destruction massive
Scène

Cette fille-là : Destruction massive

Un quai en ruine arrosé de lumière au milieu d’un espace noir, une femme qui n’en est pas encore une, plutôt une promesse de l’être un jour. Assise toute seule. En face de nous. Pas de fuite possible, ni d’une part ni de l’autre. C’est ça, Cette fille-là, la nouvelle production du Théâtre du Grand Jour mise en scène par Sylvain Bélanger, et qui nous bouscule à travers la voix de Sophie Cadieux.

Cette voix, c’est d’abord le texte de la Canadienne Joan Mcleod, qui s’inspire d’un fait vécu à Victoria il y a quelques années: un groupe d’adolescentes ayant battu à mort une jeune fille de leur classe, laissant la province entière dans le désarroi et l’incompréhension. Mcleod créera Braidie, jeune fille de 15 ans qui découvre sa ressemblance avec les bourreaux à travers le récit du drame dans les journaux et à la télévision. Mêmes vêtements, mêmes gestes codés, mêmes fous rires… mêmes dérapages.

Spectacle bouleversant que celui de cette adolescente qui se déconstruit sous nos yeux pour créer la femme seule qu’elle choisit de devenir. Sophie Cadieux se jette dans le parcours initiatique avec une force poignante, laissant la pensée de Braidie digresser, de souvenir en souvenir, de révolte en prise de position, de constat en acte. On la suit sur les divers chemins qu’elle prend, à travers toutes les fréquences qu’elle capte et qu’elle tente d’assimiler. De la voix de sa mère, qui se révélera impuissante, jusqu’à celle d’Adrienne, l’amie d’enfance de Braidie. Adrienne qui crache sa violence sur une fille marginale; Adrienne avec laquelle il fait si bon rire au soleil sur la plage ou dans la cour d’école. Car c’est un peu de ça qu’il s’agit, la perte inéluctable qu’entraîne l’intégrité. Surtout à 15 ans.

Il faut voir Cette fille-là parce que sa création entière est magnifique, parce que Cadieux y est troublante de vérité, mais surtout parce qu’il demeure essentiel d’entendre cette voix que les adolescents nous refusent. Essentiel de ne pas oublier que les enfants peuvent glisser sans bruit dans une infinie cruauté. Ceux des voisins ou des amis. Ceux-là.

Jusqu’au 17 avril
Au Théâtre La Licorne
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