Le Contrat : Manipulations génétiques
Avec Le Contrat, Carole Nadeau confirme qu’elle est une fabuleuse conceptrice d’environnements scéniques. Dès qu’il pénètre dans les couloirs souterrains du Bain Mathieu, le spectateur est plongé dans l’atmosphère savamment recréée d’une angoissante clinique. Si la céramique et le béton y jouent un rôle important, l’ambiance sonore et les inquiétantes installations qui s’y trouvent achèvent de métamorphoser le lieu. Après qu’une scène d’exposition eut campé l’étrange relation unissant le mafioso névrosé et son psychanalyste, le public est scindé puis entraîné dans quelques recoins du bâtiment afin d’observer les divers affrontements des protagonistes (incarnés par quatre duos d’acteurs et d’actrices). La dernière partie de l’événement conduit l’ensemble de l’auditoire au fond de la piscine. Alors que les projections affluent et que la musique devient assourdissante, les comédiens investissent la totalité du local.
Pourtant affirmée et séduisante, cette proposition ne parvient jamais à convaincre de son bien-fondé. Alors que les recherches esthétiques des précédents spectacles du Pont Bridge étaient intimement rattachées à leur ossature dramaturgique, les deux pôles s’avèrent ici en parfaite inadéquation. On devine que la pièce de Tonino Benacquista présente un faible intérêt dramatique, mais fallait-il à ce point s’en servir comme d’un prétexte à l’expérimentation? Si chaque détail scénographique, des éprouvettes aux sarraus, cherche à instaurer un climat médical, la question de la biotechnologie s’incarne avant tout par l’intermédiaire des projections (vues microscopiques et modifications morphologiques). Alors que la créatrice semble considérer que le débat génétique éclaire le texte qu’elle porte à la scène, la raison de ce parti pris demeure inconnue. Jusqu’à la toute fin, la représentation nage en sens inverse de l’œuvre qu’elle devrait servir. Bien qu’un discours scénique indiscutablement cohérent soit érigé, jamais celui-ci ne se greffe à l’affrontement psychologique que la pièce propose. Si, en de rares moments, la relation entre le thérapeute et le patient prend forme, c’est grâce au jeu particulièrement assuré de Dominique Quesnel. La talentueuse comédienne est dotée d’une si considérable avance sur ses partenaires qu’on se demande ce qu’elle est allée faire dans cette galère.
Jusqu’au 10 avril
Au Bain Mathieu
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