Serge Denoncourt : Mystère de la passion
SERGE DENONCOURT s’apprête à créer, sur les planches de l’Espace GO, le nouveau texte de Michel Marc Bouchard, Le Peintre des Madones. Après le récent succès des Feluettes, la complémentarité de leurs deux univers créatifs nous permet d’espérer… l’extase.
"Dans cette pièce, il n’y aura pas de personnage principal", nous dit d’emblée Serge Denoncourt, visiblement allumé par le texte qu’il s’apprête à mettre en images. "C’est avant tout l’histoire d’un village dans le Québec du début du 20e siècle. Il y a une femme qui veut faire l’amour avant de mourir de la grippe, une qui lit dans les draps, donc dans la sexualité des autres. Ces femmes entreront un jour en contact avec un étranger, un artiste italien qui va complètement bouleverser leur vie. Mais c’est aussi le point de vue de la science, de l’art et de la religion par rapport à l’absolu, les personnages masculins de la pièce, le peintre, le médecin et le prêtre, étant tous les trois dans une quête d’absolu qui leur est propre."
Alors que la guerre laisse derrière elle un village majoritairement composé de femmes et de vieillards, un prêtre décide de sauver les âmes en demandant à un peintre italien de créer une fresque de la Madone. "C’est une pièce qui ratisse large mais qui parle surtout de l’extase mystique, qui me semble très proche de la sexualité", poursuit Denoncourt, qui s’est d’ailleurs inspiré des toiles du Caravage, où se côtoient le sacré et le profane. "Je trouve extrêmement intéressants les liens entre ce trouble que nous éprouvons tous à vouloir nous élever et ce trouble qui provient de nos pulsions bassement sexuelles. Les personnages sont aux prises avec ce paradoxe et l’artiste italien en sera le catalyseur."
Outre la fièvre physique et morale des personnages, Denoncourt affiche un intérêt marqué pour le thème de l’étranger. "Ce personnage représente ce que nous pensions de l’Europe à cette époque, idée que l’on retrouve encore aujourd’hui. D’où l’importance d’aller chercher un acteur italien à Rome pour le rôle. J’aime penser que le public dans la salle aura le même rapport à cet homme que les filles sur la scène. L’étranger européen et la charge qu’il porte."
Les lois du silence
Désireux de ne pas reproduire mais plutôt d’inventer un univers, Denoncourt créera ce qu’il appelle un Québec de légende. "Il s’agit davantage d’une fable. Je voulais insister sur le fait que pour moi, le Québec de 1918 ressemble au Moyen-Âge. Ce n’est pas la Chasse-Galerie, mais presque. C’est sombre, et plein de non-dit." La scénographie, qui privilégie des zones d’ombre, rappellera à la fois la structure d’une cathédrale et l’intérieur d’une grange. "Je tente de créer un univers trouble. Une lumière, une sexualité et une spiritualité troubles. Tout le spectacle est en confrontation, tant dans la trame sonore, où le sacré s’amalgame au profane, que dans la gestuelle." Après avoir exploré un univers où tout se dévoile impudiquement avec Oreste: The Reality Show, Denoncourt se retrouve dans un monde où l’impalpable domine. "C’est effectivement formidable pour un metteur en scène de pouvoir guérir d’un univers par un autre."
Denoncourt ne cache pas que cette pièce le touche peut-être d’une façon plus profonde que les précédentes. "Pour moi, c’est l’une des plus belles histoires de Michel Marc Bouchard. J’y retrouve mon questionnement, qu’est-ce qui fait qu’on est un être spirituel ou non, qu’est-ce qui fait qu’on porte une lumière intérieure ou non… Je me retrouve chez moi avec cette pièce. Mais le metteur en scène n’est en fait qu’un conteur d’histoires. La question, c’est: comment, moi, vais-je raconter celle-ci?"
Du 6 avril au 1er mai
À l’Espace GO
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