René Richard Cyr : Passage pour handicapés
Avant de céder la direction du Théâtre d’Aujourd’hui, RENÉ RICHARD CYR y signe la mise en scène de Avec Norm. Après Motel Hélène et 24 poses (portraits), il s’agit pour lui d’une troisième incursion dans la dramaturgie de Serge Boucher.
Si René Richard Cyr est maintenant considéré comme l’accoucheur scénique par excellence des univers dramatiques de Serge Boucher, il a tout de même hésité longtemps avant de porter Avec Norm, sa quatrième pièce, à la scène. "Je l’ai laissé traîner longtemps, dit-il. Ce texte me heurtait énormément. Il s’inscrit dans la lignée de ce que Serge a déjà écrit, mais il est plus dur encore. Motel Hélène, c’est pratiquement un drame bourgeois en comparaison. Au-delà de la misère qu’elle dépeint, celle d’un milieu que l’on connaît déjà, ce qui m’ébranle vraiment dans cette pièce, c’est le constat d’échec auquel elle confronte."
Normand (Benoît McGinnis) est un handicapé intellectuel au quotidien misérable. Autour de lui gravitent sa sœur Nancy (Sandrine Bisson), une ex-toxicomane; sa voisine Tony (Louison Danis), une vieille handicapée physique et François (René Richard Cyr), un "parrain" envoyé par un organisme d’aide aux démunis. En rendant régulièrement visite à Normand, François entre dans un univers qu’il juge pitoyable. "Il veut changer leur vie, comme l’explique le metteur en scène. Il a la prétention de les aider, mais il réalise vite qu’on ne peut pas sauver tout le monde." Si le rôle de François permet à Cyr de revenir sur scène après une absence de dix ans, celui-ci ne le considère pas comme un retour en bonne et due forme. "Le personnage de François est un observateur, il est extérieur à la situation, il la commente, à la manière d’un metteur en scène. C’est la seule raison pour laquelle je me suis permis de tenir le rôle." Le polyvalent créateur s’est entouré de comédiens choisis pour leur exceptionnelle générosité. "Incarner ces personnages exige une grande abnégation de la part des acteurs, une humilité profonde. Pas simplement parce qu’ils sont désavantagés physiquement, mais surtout parce qu’ils doivent endosser des sentiments qui sont loin d’être nobles."
Depuis 1993, Serge Boucher construit une dramaturgie aux assises excessivement réalistes. Avec précision et minimalisme, oscillant entre comédie et tragédie, ce théâtre du quotidien parvient aisément à provoquer, en un même souffle, le fou rire et l’angoisse. Les personnages, qui en constituent l’essence, baignent dans une profonde misère affective. Un univers grinçant, capable de susciter des réactions très diverses de la part du public. Si cette pièce s’apparente, de son point de vue, à une véritable entreprise de désolation, le metteur en scène s’attend malgré tout à ce que certains passages déclenchent le rire. "À mon sens, Serge Boucher est un auteur très moderne, car il réussit à offrir des partitions très troublantes et en même temps éminemment populaires. On ne peut demeurer insensible à l’humanisme de son écriture."
Du 20 avril au 15 mai
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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