Le Moine noir : Délire nuancé
Scène

Le Moine noir : Délire nuancé

Dans le prolongement de sa recherche sur l’intégration des nouvelles technologies au théâtre, amorcée avec Les Trois Derniers Jours de Pessoa et Les Aveugles de Maeterlinck, le directeur artistique du Centre national des Arts, DENIS MARLEAU, présente une adaptation du Moine noir, une nouvelle fantasmagorique peu connue de l’illustre auteur russe Anton Tchekhov.

L’auteur avait d’abord rêvé de son moine noir comme "fendant l’air au-dessus de la plaine" et il en fut si troublé qu’il décida d’en créer une nouvelle tout aussi bouleversante. Tchekhov y exploite pour la première fois un univers fantastique issu du rêve qu’il avait néanmoins qualifié de nouvelle médicale: "C’est une nouvelle fantasmagorique et elliptique, mais sur un fond très réaliste qu’est la maladie mentale. Tchekhov ne fait pas dans le mystique, il pose plutôt un regard clinique sur la folie des grandeurs, sur la mégalomanie", explique le metteur en scène Denis Marleau qui revient d’Europe où la pièce a été lancée, puisqu’il s’agit d’une coproduction du Théâtre français du CNA, du Manège.Mons – centre dramatique, du Festival Borderline (Lille 2004) et d’UBU, sa compagnie de création installée à Montréal. Pour adapter l’œuvre, Marleau a fait appel à deux spécialistes de la littérature russe, André Markowicz et Françoise Morvan, dans une nouvelle traduction qui se veut plus précise, plus proche du texte original.

Ils ont ainsi revisité le monde de Kovrine (comédien belge Sébastien Dutrieux), un jeune licencié en philosophie qui se réfugie à la campagne auprès de son ancien tuteur, l’horticulteur Pessotski (Gilles Pelletier) et sa fille, Tania (comédienne belge Anne-Pascale Clairembourg). À la suite de nombreuses nuits blanches, un moine noir (Louise Naubert) lui apparaît à plusieurs reprises, lui causant de "vérité éternelle" et lui confirmant peu à peu son enlisement dans la folie. Provoqué par une vague légende dans l’esprit de Kovrine, le moine noir, personnage androgyne, n’est pas un quelconque maître religieux mais un double de Kovrine, l’image aussi de sa mère morte.

Denis Marleau, pour qui toute adaptation est une rencontre avec l’imaginaire de l’auteur, s’intéresse depuis longtemps à la littérature non destinée au théâtre: "La pièce est en quelque sorte un court condensé de l’univers tchékhovien, dont les principaux thèmes de sa dramaturgie sont abordés. Il y a aussi une part biographique puisque le récit est issu d’un de ses rêves et que son personnage de Kovrine est tuberculeux, tout comme il l’a été."

Selon Françoise Morvan, l’œuvre énigmatique de Tchekhov est inachevée; Denis Marleau n’est pas de cet avis: "Elle a été publiée de cette façon comme une œuvre terminée, après tout. Les absences sont voulues et contribuent à créer le mystère."

Le metteur en scène propose donc une pièce crépusculaire où le jeu des lumières, l’espace scénique, le jeu des acteurs – aux gestes mécaniques – et les vidéos en noir et blanc créent une ambiance hypnotique, onirique. Il a aussi ajouté une part importante de musique avec, sur scène, la chanteuse Marie-Danielle Parent et le violoniste Charles-Étienne Marchand, qui joue des partitions originales de Denis Gougeon. André Markowicz agit également comme narrateur, livrant des bribes de l’histoire avec des passages en russe. "La musique est un actant important de la pièce. Elle permet le songe, le rêve et déclenche la folie", conclut Marleau.

Les 22, 23, 24, 30 avril et 1er mai
Au Théâtre du CNA
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