L’histoire des ours pandas : Quand tombe la nuit
Première production du Théâtre des Insomniaques, L’histoire des ours pandas racontée par un saxophoniste qui a une petite amie à Francfort, de MATÉI VISNIEC, invite le spectateur à pénétrer dans l’intimité d’un couple énigmatique. De la comédie au drame; entre jeu, poésie et surréalisme.
Pour ne pas hypothéquer le plaisir du spectateur, force est de demeurer vague quant au propos exact de la pièce. "Pour moi, c’est la rencontre d’un couple au petit matin; lui (Hugo Lamarre) est un peu perdu, elle (Véronique Côté), un peu pressée; ils se plaisent l’un l’autre et négocient neuf nuits pour se connaître", résume la metteure en scène Marie-Josée Bastien. Quant à l’identité de ces personnages et aux circonstances de leur rencontre, elles demeurent volontairement obscures et ne se révèlent que par bribes, au fur et à mesure que se précise ce dont il est réellement question. "Matéi Visniec (La Femme comme champ de bataille) est parti d’un homme et une femme, un duo qui peut inspirer mille histoires – on en a vu tellement -, et a écrit quelque chose de complètement différent, soutient-elle. Parce qu’avec la manière dont ça commence, on ne peut pas s’attendre à la fin; c’est comme une comédie française à la Patrice Leconte, mais avec une tout autre chute."
En fait, c’est qu’on s’inscrit ici dans le registre de la métaphore et qu’entre la comédie et le drame, les mots peuvent appeler autant le ludisme que la poésie ou le surréalisme. "Ce qui est l’fun avec ce texte-là, c’est qu’il peut mener à plein d’interprétations, soutient l’artiste. C’est un peu difficile d’y voir uniquement une histoire d’amour, mais ça, c’est ma vision." Cet aspect polysémique participe d’ailleurs d’une volonté de l’auteur. "On avait de grandes questions par rapport au texte et on lui a écrit, mais il a répondu: "Vous en faites ce que vous voulez", évoque-t-elle. C’est un Européen de l’Est et je trouve que c’est vraiment écrit comme les pièces, les scénarios ou même la musique de l’Europe de l’Est. Au lieu de toucher au rationnel, c’est comme si, à un moment donné, ça explosait dans le surréalisme ou dans quelque chose d’onirique. L’auteur a la volonté d’exprimer un sentiment humain, mais par le cœur, l’imagination. Je crois que l’Europe de l’Est a aussi ce côté joyeux, la capacité de rire du malheur, et une façon de changer la réalité pour en faire quelque chose de très ludique, de parler des choses sans en parler."
Évidemment, on ne saurait évoquer l’aspect symbolique de la mise en scène sans trahir la teneur du discours, mais on peut néanmoins signaler que la créatrice a dû faire preuve d’imagination pour donner vie à des images aussi lyriques, d’autant plus qu’il s’agissait à l’origine d’un texte radiophonique. N’empêche, il y avait là ce qu’elle recherche au théâtre, c’est-à-dire "du jus pour jouer". "Pour moi, la grande force du théâtre, ce sont les acteurs, précise-t-elle. Et je trouvais que ce texte-là, c’était pour eux." Cela, même s’il exigeait qu’ils s’approprient l’accent français, un aspect toujours problématique, selon elle. "Au début, on s’est dit que ce serait l’fun de ne pas le faire trop français, mais ce n’est pas écrit comme ça. Alors ils ont dû se mettre cette langue-là dans le cœur, dans le ventre, pour que les personnages restent attachants." Un défi parmi tant d’autres, quoi.
Jusqu’au 1er mai
À la Maison de la Culture et de l’Environnement de Salaberry
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