Cabaret : Willkommen
Scène

Cabaret : Willkommen

Malgré tout le charme que dégage le chef-d’œuvre de Joe Masteroff (livret), John Kander (musique) et Fred Ebb (paroles), monter Cabaret sur la scène du Rideau Vert demeurait un véritable défi. Si la proposition de Denise Filiatrault parvient aisément à transcender la populaire version filmique de Bob Fosse (1972), il en est bien autrement en regard de la décapante relecture signée sur Broadway par Sam Mendes et Rob Marshall (1999). Disons simplement que la production montréalaise présente de telles similitudes formelles avec celle qui a tenu l’affiche à New York durant six ans que certains spectateurs ressentiront une troublante impression de déjà vu.

Cela dit, s’il est fortement inspiré d’une grande réussite, ce spectacle n’en demeure pas moins d’une surprenante efficacité. À commencer par la traduction fluide et soignée d’Yves Morin. L’homme est aussi musicien et compositeur et ça se sent dans son adaptation. Le septuor majoritairement féminin que dirige Patricia Deslauriers donne une riche texture musicale à la soirée, en plus de témoigner d’une remarquable symbiose avec le reste de l’équipe. Dans la pure tradition instaurée par Bob Fosse, usant savamment d’un plateau aussi restreint, Chantal Dauphinais signe des chorégraphies enlevantes. Si tous chantent juste, précisons qu’aucun des membres de la distribution ne possède d’exceptionnelles qualités vocales et c’est peut-être tant mieux. Entre le jeu et la voix, aussi bien privilégier la crédibilité des personnages. Le rôle de Fraülein Schneider convient à merveille à Véronique Le Flaguais et son compagnon de jeu, Paul Doucet, rend son Herr Schultz tout aussi attachant. Alors que Normand D’Amour (Ernst Ludwig) et Stéphane Gagnon (Clifford Bradshaw) semblent irréprochables, Marie-Ève Pelletier se démarque nettement en incarnant une Fraülein Kost lubrique et perfide. Bien que François Papineau peine à dégager l’androgynie inhérente à la figure du M.C., son sens du rythme et son habileté physique compensent. Quant à Sylvie Moreau, elle exprime à merveille le paradoxe de son personnage. Lorsque la comédienne entonne La vie est un cabaret d’une voix qui traduit à la fois l’espoir et la désillusion, on réalise à quel point sa rencontre avec Sally Bowles était prédestinée.

Jusqu’au 13 juin
Au Théâtre du Rideau Vert
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