Claude Lemieux : Scènes de ménage
Scène

Claude Lemieux : Scènes de ménage

Le controversé dramaturge et metteur en scène Lars Norén, peu monté au Québec mais bien connu du milieu théâtral européen, sera l’une des figures de proue du prochain Festival Théâtres du Monde. En attendant, Claude Lemieux nous confronte au style si particulier de l’auteur suédois à travers Démons, une illustration de l’univers intérieur de l’être humain en quête d’union amoureuse.

"Frank revient chez lui avec l’urne funéraire de sa mère et, pour ne pas passer la soirée seul avec sa femme, il décide d’inviter le couple qui habite à côté, raconte Claude Lemieux. Seulement, Frank et sa femme se serviront rapidement des deux voisins pour se venger l’un de l’autre." Si le propos peut rappeler certains textes d’Albee, c’est dans sa forme que le texte de Norén bouscule. "Les personnages quitteront peu à peu la réalité, tout deviendra plus lyrique, explique le metteur en scène. On va tomber dans le monde des fantasmes et les émotions vont prendre le dessus. Bien sûr, les personnages ne sont pas fous au point de perdre contact avec la réalité, mais ils seront possédés par des émotions qui les pousseront à agir de façon extrême. Le texte fiévreux de Norén nous amène au paroxysme d’une crise, puis il bascule dans l’universel, et ce, dans un langage qui reste très simple."

Ce dérapage du conscient vers l’inconscient demande un changement de registre aux acteurs mais aussi aux concepteurs. "L’univers sonore souligne cette dérive vers le surréalisme, explique Lemieux. Il y a un niveau très quotidien et terre-à-terre, exploitant des sonneries de téléphone, par exemple. Il y a aussi un autre niveau, celui qu’installe Frank avec sa chaîne stéréo et qui lui permet de créer une atmosphère adaptée à la situation. Enfin, il y a une troisième couche musicale où plusieurs genres se chevauchent, du classique au contemporain. L’univers de Norén me semble aussi construit de cette façon, poursuit Lemieux. Il est réputé pour faire se chevaucher les répliques."

Norén, effectivement reconnu pour l’effet d’étrangeté de ses dialogues, crée des personnages qui suivent parfois une imprévisible logique. "Ce procédé révèle ici le mécanisme d’un couple, les besoins et frustrations menant à la vengeance ou à la séduction. Je trouve toute cette chaîne d’actions très intéressante!" avoue Lemieux avec un sourire taquin.

Car Claude Lemieux refuse de monter Norén comme s’il s’agissait d’un auteur sombre. "Je voudrais montrer la richesse de l’univers intérieur que nous portons. Bien sûr, nous serons devant des gens qui s’engueulent, mais derrière leur conflit, il y a un désir profond de vie." C’est que Lemieux, à l’instar de Norén, conçoit l’univers psychique comme un espace chatoyant. "Le monde n’est pas nécessairement ce qu’on pense qu’il est. À la suite d’un geste posé, les raisons que l’on va donner en surface sont souvent très éloignées de la réalité. Ce qui est fascinant…"

Du 27 avril au 22 mai
Au Théâtre Prospero
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