Marie-Christine Lê-Huu : Témoins à charge
Scène

Marie-Christine Lê-Huu : Témoins à charge

Un suspense psychologique au théâtre? C’est ce que proposent les insolites Moutons Noirs, de retour à La Licorne avec la création d’une pièce de MARIE-CHRISTINE LÊ-HUU et KEVIN McCOY, mise en scène par NORMAND DANEAU.

Un homme couvert de bandages et accusé du meurtre d’une jeune fille, un policier, une infirmière étrangement impliquée… Voilà les prémisses de ce que Marie-Christine Lê-Huu appelle narquoisement son faux suspense. "On croit au départ qu’il s’agit d’un thriller, mais lorsque les personnages commencent à parler du meurtre, on découvre qu’ils l’utilisent tous à des fins personnelles, explique-t-elle, mutine. Au-delà du mystère, on voit des personnages qui ont un désir d’être autres qu’eux-mêmes. Le drame qui survient leur apparaît comme une solution possible."

Trois personnages révélés par un crime, une quatrième entité planant sur l’histoire et dont l’auteure nous tait malicieusement l’identité; tout semble toutefois en place pour un suspense en règle. "Nous avons effectivement retenu certaines idées de la forme du suspense. Il y a des choses cachées qui seront à révéler, mais nous jouons surtout sur le fait que les perceptions premières sont parfois trompeuses." D’où le titre Imago, terme de psychanalyse mais aussi vocable définissant cette métamorphose des insectes. Double titre, double niveau de lecture. "Normand apporte à mon texte une couche supplémentaire qui complexifie la psychologie des personnages. C’est fascinant pour moi de découvrir après coup leur logique!"

La faiblesse de l’Homme
Il faut dire que Les Moutons Noirs retouchent ici à un de leurs thèmes de prédilection: la vulnérabilité de l’être humain. "La noblesse d’âme est l’exception dans le parcours de l’Homme, poursuit l’auteure. Le propre de l’être humain, c’est son imperfection, et c’est ce qui fait sa richesse. Il faut assumer que la majorité du temps, nous ne sommes pas des héros. Nous sommes des êtres qui tentent de défendre leur propre existence." L’humour demeure toutefois le véhicule principal, malgré la piste de réflexion. "Nous présentons sur scène des éléments grossis, des personnages mésadaptés, explique Marie-Christine Lê-Huu, mais nous avons toujours le souci d’une possible identification. C’est cet humour qui nous intéresse. Non pas le rire méprisant mais le rire qui provient d’un constat de ce que nous sommes."


L’auteure et son collaborateur Kevin McCoy (aussi de la distribution, aux côtés d’Andrée Vachon et Jean Maheux) ont choisi d’explorer les niveaux de monologue et leurs possibles interactions. "Nous avons tenté d’insérer des dialogues parce que nous étions soucieux du dynamisme de la pièce, mais nous nous sommes vite rendu compte que les personnages devenaient moins intéressants quand ils se parlaient entre eux, expose l’auteure. Ils y perdaient étrangement quelque chose. Nous avons donc cherché un moyen de faire communiquer les personnages d’une autre façon. Ici, c’est par le mouvement que se crée l’interaction, et non par le texte. Nicolas St-Pierre propose d’ailleurs un décor où l’absence de cloisons entre les trois univers permet au personnage qui a la parole de prendre possession de toute la scène. Celui-ci peut alors circuler librement, même si les autres sont dans leur propre temps ou action."

La conception de l’univers sonore est également inventive. "Ludovic Bonnier travaille les différentes sources afin que la musique ne soit pas cet environnement sonore enrobant qui impose un état au spectateur. C’est à l’image de ce que nous cherchons à faire avec le spectacle. Nous n’imposons rien. Les gens vont choisir le niveau de lecture qui les intéresse. Peut-être que certains ne seront sensibles qu’à la couche humoristique; d’autres y liront une réflexion. Mais c’est la beauté de la chose…"

Du 27 avril au 22 mai
Au Théâtre La Licorne
Voir calendrier Théâtre