

Fred Pellerin : Vérités imaginaires
Il s’avère impossible de réussir à séparer le bon grain de l’ivraie avec FRED PELLERIN. Lorsque le jeune conteur parle, il sème le doute. Tout se confond: la blague, le réel, la folie, la légende. La vérité se déconstruit pour laisser place à des récits délicieux que l’on aimerait croire jusqu’au bout. Qu’on se le dise: l’artiste de Saint-Élie est un "enjoliveur" professionnel. Rencontre avec un rêveur.
					
											Karine Gélinas
																Photo : Laurence Biron
																
																				
				
			Les cheveux en broussaille, le matin encore imprimé au coin des yeux, Fred Pellerin, tout fraîchement débarqué de l’avion, semble heureux de retrouver le confort de sa maison de campagne. Il jubile à l’idée de réparer sa fosse septique, de nettoyer d’une nouvelle manière les filtres de son lave-vaisselle. Malgré la pointe d’ironie qui teinte ses déclarations, l’essence de son message demeure très claire. Au retour d’une virée de contes de quelques jours à l’extérieur, les détails les plus insignifiants du quotidien s’habillent toujours d’une grande magie.
Au moment de l’entrevue, Fred arrive tout juste du Saguenay, où il a participé à des discussions sur le fait de vivre en région. Victime de son champ d’intérêts, il se rend compte que son nom se voit tranquillement associé à la ruralité. Un effet pervers du conte? À moins que cela ne soit causé par les chroniques qu’il concocte pour l’émission de Marie-France Bazzo, à la radio de Radio-Canada? Bien qu’il s’inspire de son village natal afin de broder ses histoires abracadabrantes, le sympathique personnage admet ne rien comprendre aux questions liées à la vie d’agriculteur. "Je ne suis ni penseur social, ni sociologue… Je mets simplement de la poésie dans le village. C’est Saint-Élie que je veux swinguer! Je veux qu’on sente le délire qui est dans la manière de voir tout ce qui le compose." Car il est bien possible de traverser la municipalité sans comprendre sa nature profonde, sans se trouver nez à nez avec le mythe, souligne le conteur. Il faut tendre l’oreille, ouvrir les yeux, prendre contact avec ses habitants pour vivre une expérience.
À l’image de ses récits, le coloré Mauricien boude la raison et s’amuse à revisiter le tangible. "S’il n’y a plus de magie, on fait quoi? Moi, j’aime surprendre le bon sens. J’essaie de déjouer la logique, et ce, tous les jours." Comment cette pratique s’exprime-t-elle de façon quotidienne? Fred Pellerin réfléchit. Son esprit bifurque d’abord vers sa balayeuse, puis vers son lave-vaisselle. (Et pourquoi pas vers Renée-Charles, sa minuscule chienne de race Yorkshire Terrier dont le prénom change constamment selon ses humeurs?) Non, les meilleurs exemples pour définir sa folie se trouvent plutôt dans le distributeur de verres qu’il a installé sur son érable afin que les passants puissent goûter à son eau sucrée ou dans la nouvelle tradition du chocolat chaud qu’il a instaurée sur le perron de l’église avec des amis le soir de Noël, après la messe de minuit. "La magie, c’est des journées de couleur, c’est de réinventer une logique. Aujourd’hui, pour que ce soit vrai, il faut que ça se calcule. Et si ce qui était vrai était ce qui est beau?"
Rien que des histoires…
  Appelé à se produire aux quatre coins de la province et même en  Europe, le conteur de Saint-Élie admet sa lassitude de devoir  toujours se déplacer. "J’en mange de l’asphalte!"  s’exclame-t-il, un sourire en coin. Ainsi, ses périodes  d’écriture lui font le plus grand bien. Des moments qu’il prend  pour se reconnecter avec son entourage et pour rédiger son  prochain spectacle Comme une odeur de muscle, qui sera  présenté en première mondiale à la Salle J.-A.-Thompson le 12  novembre prochain. Le blondinet rigole d’ailleurs à l’idée  qu’il ira roder celui-ci dans la grande région métropolitaine  avant de s’attaquer à la Mauricie. Un autre de ses concepts  loufoques.
Après Dans mon village, il y a belle Lurette et Il faut prendre le taureau par les contes, où il parlait respectivement de Lurette, la fille à la peau d’or, et de Babine, le fou du village, Fred Pellerin s’intéresse maintenant à l’homme fort de Saint-Élie. "Beaucoup d’hommes forts sont devenus des bêtes de cirque, des phénomènes de foire… Dans ce spectacle, je m’interroge sur la vraie force." Mais impossible d’en savoir plus pour l’instant, car l’orateur a seulement établi la structure du récit: une balade avec sa grand-mère autour du voisinage.
En attendant le grand jour, Fred Pellerin continue de se mettre en bouche Il faut prendre le taureau par les contes. Il réalise quelques prestations, dont le show de clôture du Salon du livre de Trois-Rivières au Musée québécois de culture populaire. Un de ses premiers liens avec la littérature? Stephen King… Du coup, Fred Pellerin raconte avoir étudié au collège en psychologie, avant de s’inscrire en administration à l’université. Mais comme il est constamment rongé par le doute, il a changé de programme à la toute dernière minute et a choisi la littérature. À partir de là, il s’est mis à lire de façon boulimique. Une preuve que le destin a mille et un tours dans son sac.
Le 2 mai à 16 h
Au Musée québécois de culture populaire
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