Jacinthe Rioux, 609, Saint-Gabriel : Critique: Jacinthe Rioux, 609, Saint-Gabriel
Jusqu’au 8 mai
Au Théâtre Périscope
Dans son coquet petit appartement du 609, Saint-Gabriel, Jacinthe Rioux (Éva Daigle, servant bien un personnage dont l’agitation peut cependant devenir agaçante par moments) mène une vie bien tranquille. Trop tranquille. C’est qu’elle est née avec un sérieux handicap: elle n’a pas de personnalité. Naïve et coincée, c’est d’ailleurs ce qu’elle nous confie dans son monologue d’ouverture, à travers une histoire de permis de conduire qui nous mène de son adolescence au jour même, soit celui de son premier anniversaire de vie commune avec Réal (Pierre Gauvreau, crédible et sympathique), un type gentil mais plutôt niais. Puis, nous retournons dans le passé pour découvrir la relation de ces deux êtres que tout le monde dit semblables. Une similitude qui amènera Jacinthe à prendre conscience de sa propre insipidité, pour son plus grand malheur…
Dès que l’héroïne entre en scène, mal à l’aise et respirant avec difficulté, en constant déséquilibre entre sourires gênés et sanglots, le ton est donné. Ici, le comique sera une façon de mettre en relief le drame. Cependant, force est d’admettre qu’on s’amusera plus qu’on sera émus, ce qui n’a en soi rien de négatif. Au contraire, le texte d’Isabelle Hubert, avec son humour misant sur la dérision de la banalité, de l’insignifiance, et en relevant le caractère pitoyable, voire l’absurdité, s’avère à la fois simple et savoureux. Toutefois, est-ce le caractère caricatural des personnages – qui ne le sont au fond pas tant que cela -, est-ce la surenchère dramatique? Le duo apparaît certes attachant, mais pas au point de dire qu’on en rit pour ne pas en pleurer. Quoi qu’il en soit, la fin nous laisse sur une note percutante; dans une société de performance où être quelqu’un ne va pas de soi, elle sonne comme une condamnation qui porte à réflexion.
Sur le plan de la structure, la pièce tient du cinéma avec sa série de flash-back entrecoupés d’extraits vidéo qui, loin de paraître accessoires, s’avèrent aussi pertinents qu’efficaces dans le contexte. Voilà qui n’est probablement pas étranger au fait que Catherine Lachance, qui signe ici sa première mise en scène, est issue de ce domaine. Ce parti pris ainsi que la bande sonore de Michel Côté confèrent enfin à l’ensemble un rythme dynamique, tandis que les éclairages de Serge Pettersen se marient aux décors de Serge Lapierre pour recréer des ambiances quotidiennes réalistes.