Démons : Noir désir
Scène

Démons : Noir désir

Je t’aime, je te hais. Dichotomie intéressante. Surtout quand on se permet d’aller voir comment le dérapage fonctionne de l’intérieur, ce que fait l’auteur suédois Lars Norén avec son texte Démons, présenté ces jours-ci au Théâtre Prospero dans une mise en scène de Claude Lemieux.

Dans un espace où une surcharge d’objets rappelle un intérieur plutôt réaliste mais où les cloisons n’existent que par de sommaires délimitations au sol, Katarina et Frank ne communiquent plus que par petites violences répétées. Au contact d’un couple voisin, ceux-ci basculeront dans le monde des fantasmes, où les pulsions les plus sombres et les plus irrationnelles prendront le dessus.

Lemieux signe ici une mise en scène plutôt intéressante alors qu’il choisit d’appuyer la structure syncopée des dialogues de Norén. Les acteurs se lancent les phrases comme une balle de squash, rappelant une direction d’acteurs à la David Mamet. Les comédiens Marie-Lyse Forest et Maxime Loyer évoluent dans cet univers avec une troublante aisance, nous permettant d’être témoins d’échanges totalement ancrés dans l’instant présent. Chose plutôt rare sur nos scènes ces derniers temps.

Le décor de Jonathan Nadeau concourt aussi à ce sentiment de voyeurisme. Son espace ouvert, tout en offrant une vision extérieure du conflit, laisse habilement présager le dévoilement d’une intimité sourde. L’absence de miroirs (alors que le zèle des accessoires est remarquable) contribue à présenter le duo comme reflet confrontant. L’utilisation des bruits usuels d’un intérieur – l’eau qui coule, le séchoir, la machine à café – participe à interférer dans le discours alors que les phrases se combattent et s’entrechoquent.

La bifurcation vers le monde de l’inconscient est toutefois un peu moins réussie, le rythme saccadé versant dans une confusion quelque peu criarde. Certains flottements demeurent envoûtants, comme ces brefs pas de danse ou encore l’impact toujours renouvelé d’une mariée au milieu d’un carnage, mais le texte de Norén perd de sa force lorsque Lemieux en souligne trop les métaphores par l’image. Néanmoins fort intéressant.

Jusqu’au 22 mai
Au Théâtre Prospero
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