Francine Châteauvert en solo : L'échappée belle
Scène

Francine Châteauvert en solo : L’échappée belle

Après plusieurs années passées à travailler comme chorégraphe et directrice artistique de la Compagnie de danse Sursaut, FRANCINE CHÂTEAUVERT a senti le besoin de revenir à ses premières amours: l’interprétation et le travail avec son propre corps. Pour ce faire, elle a choisi de plonger dans la création d’un spectacle solo intitulé L’Échappée, où elle danse dans cinq tableaux qu’elle a elle-même chorégraphiés.

Le parcours artistique de Francine Châteauvert n’a rien de banal. À 18 ans, elle suivait son premier cours de danse. Et à 30 ans, après avoir touché à la gymnastique, au théâtre et aux arts du cirque, elle faisait ses premiers pas dans l’univers professionnel de la danse avec la Compagnie Sursaut. Avoir commencé "sur le tard" présente toutefois des avantages. "J’ai l’impression que mon corps est peut-être moins usé que celui d’une danseuse qui a commencé à 20 ans", estime l’artiste autodidacte.

Francine Châteauvert a beau être âgée de 46 ans, avec son grand pull bleu marine, son jean noir et ses cheveux retenus en chignon par un petit foulard jaune, elle a l’air d’une toute jeune femme. Quand elle s’exprime, les mains parlent autant que la bouche. Elle se lève même pour illustrer son propos. Et chaque fois, le mouvement est joli et gracieux, sans jamais être exagéré.

La chorégraphe considère que ce premier spectacle solo représentait un incontournable dans son processus artistique. Il y a deux ans, elle a entrepris un travail de ressourcement pour retrouver son principal outil de travail: son corps. Elle a travaillé seule, mais aussi avec différents guides, dont Candace Loubert. "Durant deux ans, j’ai dansé et j’ai improvisé beaucoup. Les créations, les pièces chorégraphiques sont alors venues d’elles-mêmes. Elles étaient là, il fallait que ça sorte!"

Des cinq chorégraphies qui composent le spectacle, trois sont de nouvelles créations: L’Échappée, Les Derniers Jeux et Tendresse retrouvée. Les chorégraphies Tel quel et L’Espiègle du jardin, créées respectivement en 1992 et 1996, font aussi partie du solo. "À un moment donné, je me suis dit: "Cinq chorégraphies, c’est beaucoup trop. Je n’aurai jamais le temps de faire ça, je ne serai jamais capable de réussir cette performance." Mais, elles étaient tellement fortes ensemble. Je les vois vraiment comme un tout."

Loin d’être aléatoire, le titre du spectacle revêt une signification particulière pour l’artiste. "Ce spectacle-là n’annonce pas le début d’une carrière solo, explique-t-elle. Mon but, c’est de sortir un peu des tâches que je fais depuis plusieurs années, c’est-à-dire chorégraphier, danser un peu, diriger une petite compagnie de danse à but non lucratif. L’Échappée, ça vient un peu de là."

Le titre fait aussi un parallèle avec l’échappée sportive, le moment où, par exemple, un joueur se retrouve seul devant le filet. "Quand tu es en échappée, ça repose sur tes épaules. Tu peux manquer ton coup, mais il faut que t’essaies. Tu peux pas reculer. Ça m’intéressait d’avoir cette occasion-là", illustre la blonde danseuse.

Défi
Au Studio-théâtre de l’Université Bishop’s, Francine Châteauvert dansera durant plus d’une heure pendant quatre soirs d’affilée, en incluant l’avant-première du 12 mai. Le principal défi d’une telle performance? "Ne pas se blesser", répond spontanément celle qui, une semaine avant l’entretien s’était foulé une cheville. "En fait, le défi, poursuit-elle, c’est de doser les énergies pour arriver à donner ce qu’on veut donner. Mais je ne fais pas ce spectacle par défi. Je le fais parce que j’ai eu l’intuition qu’il fallait que je le fasse."

Même si l’intuition était forte, le doute s’est aussi pointé. Semble-t-il que février et mars ont été fertiles en remises en question. "C’est un peu épeurant, autant comme chorégraphe que comme interprète, explique-t-elle. Parce que cette fois je porte les deux (chapeaux). Tandis que quand je dirige la compagnie et les danseurs, j’ai pas la responsabilité de danser."

Mais pour créer une belle Échappée, la chorégraphe s’est entourée de fidèles collaborateurs: aux costumes, sa complice depuis plusieurs années, Sylvie Baillargeon, à la conception des éclairages, Marc Longpré, et à l’environnement sonore, Michel G. Côté. René Béchard a aussi signé la musique de L’Espiègle du jardin. France Gruyère et Rachel Worth agissent à titre de répétitrices. "Parce que quand on est interprète, il faut avoir quelqu’un qui nous pousse, qui nous dirige", souligne la danseuse et chorégraphe.

Anti-hermétique
Au fil des ans, Francine Châteauvert a connu un vif succès avec certaines de ses créations. Les spectacles Les Excentriques et Portrait de famille et de ses invités ont beaucoup tourné. La chorégraphe est aussi très fière du Minuscule quotidien, un duo qu’elle a monté avec son conjoint, le directeur général de Sursaut, Adam Dymburt. Également, l’incontournable Casse-Noisette et le Roi des rats, dont elle a proposé une adaptation originale et contemporaine, il y a déjà 10 ans; un spectacle qui sera présenté à nouveau à Sherbrooke en 2005. "Ce qui caractérise ma démarche artistique, c’est la polyvalence", constate l’artiste qui est actuellement en résidence au Studio-théâtre de l’Université Bishop’s.

Même si elle a beaucoup accompli artistiquement, Francine Châteauvert semble toujours en quête. En témoigne ce besoin de faire un spectacle solo. Ses modèles? Louise Lecavalier, pour sa forte présence sur scène, et Marie Chouinard, dont le "travail est tellement vivant". La chorégraphe cite aussi Pina Bausch.

Quand on lui dit que la danse est souvent vue comme un art hermétique, elle fait remarquer que les arts visuels et le théâtre peuvent aussi être perçus comme tels. Et que même si de la danse, elle en mange, elle trouve que certains spectacles sont difficilement accessibles. Le secret de son succès à elle? Des œuvres empreintes de simplicité et de candeur, où l’aspect poétique côtoie l’aspect sportif. Un autre ingrédient essentiel: son amour de la scène, de la danse et du mouvement. "C’est parce que j’ai la passion que je continue."

Du 13 au 15 mai à 20 h
Au Studio-théâtre de l’Université Bishop’s