Imago : Tueurs en série
Scène

Imago : Tueurs en série

Étrange objet que nous proposent Les Moutons Noirs ces jours-ci à La Licorne. Imago, pièce écrite par Marie-Christine Lê-Huu en collaboration avec l’acteur Kevin McCoy et mise en scène par Normand Daneau, désarçonne par son univers complexe et sa structure déroutante.

Ce n’est certes pas la beauté que l’on cherche à recréer ici sur scène, mais plutôt l’univers intérieur de personnages aux prises avec l’horreur. Pourtant, le suspense promis est bel et bien là, avec ses rebondissements (souvent imprévisibles et complexifiant l’intrigue) et ses personnages archétypaux. Jean Maheux incarne, pour notre plus grand plaisir, un inspecteur tourmenté par son couple au point de sombrer dans une confusion qui atteint même la parole alors qu’Andrée Vachon joue les infirmières nymphomanes. Kevin McCoy, quant à lui, se révèle troublant dans la peau de cet homme accusé de meurtre et recouvert des pieds à la tête d’une membrane blanche rappelant le cocon d’un papillon.

Ces personnages soliloquent toutefois sur la notion de désir amoureux plutôt que sur la tragédie annoncée. Il en découle une étrange absence de fil d’Ariane. On reconnaît l’influence cinématographique chère aux Moutons Noirs, alors qu’Imago nous entraîne dans une histoire à plusieurs sens rappelant le style de David Lynch. Ce que l’on croyait classé se déconstruit toujours, la brume persiste. La théâtralité prend le dessus au moment où l’on s’y attend le moins, particulièrement grâce à l’ingéniosité des éclairages de Nicolas St-Pierre – une ampoule rouge irradie tel un cœur déposé sur une table. De plus, l’univers sonore de Ludovic Bonnier, jouant habilement avec les différentes sources de son sur la scène, permet le décalage que contribue à créer cette mise en scène tout en cassures, où les acteurs brisent volontairement les conventions établies dès le départ. Les images ainsi créées sont souvent intéressantes, tel l’homme-cocon captif d’une voiture dans laquelle il n’est jamais monté.

Mais si la pièce ne voulait rien imposer, c’est peut-être par là qu’elle pèche un peu. À trop vouloir laisser le spectateur libre, celui-ci en vient à se demander ce qu’il est venu y chercher. On peut donc en sortir étrangement bredouille…

Jusqu’au 22 mai
Au Théâtre La Licorne
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