Lucie Grégoire : Études orientales
Scène

Lucie Grégoire : Études orientales

Un événement historique se produira bientôt au Studio de l’Agora de la danse. Il s’agit de la venue du danseur butô YOSHITO OHNO, qui partagera la scène avec la chorégraphe-interprète d’origine montréalaise LUCIE GRÉGOIRE.

La pièce Eye qu’ils interpréteront ensemble porte un titre hautement évocateur dans la philosophie butô. Ce mot se dit "me", en japonais. Mais dans cette langue, il ne fait pas que signifier "œil", il signifie aussi "bourgeon". Un terme qui renvoie à l’idée de transformation; une notion fondamentale dans ce type de danse qui doit son apparition à Tatsumi Hijikata. Le lien entre cet homme et Yoshito Ohno est important, car ce qui fut considéré comme la toute première représentation butô (Kinjiki, 1959) fut dansé par Ohno et chorégraphié par Hijikata. De plus, Yoshito Ohno est le fils du plus vieux danseur de butô encore vivant, soit le légendaire Kasuo Ohno qui, maintenant âgé de 97 ans – et malgré une quasi-immobilité corporelle due à la paralysie -, reste encore ému par la moindre petite vibration musicale libérée par le cosmos. "On voit alors, par exemple, sa main prendre la forme d’une feuille qui frétille", raconte Lucie Grégoire.

"Ce que je retiens de mon séjour au Japon, chez les Ohno, confie-t-elle, c’est leur incalculable générosité et leur grande humilité." Portée par un désir d’approfondissement, il y a près de 20 ans, la chorégraphe était allée faire un premier stage auprès des maîtres Min Tanaka, Kasuo Ohno et Tatsumi Hijikata. Au printemps 2003, poussée par la même volonté de ressourcement, elle retourne au Japon. "Comme je ne restais que trois semaines et qu’il ne se donnait que quelques ateliers par semaine, je suis allée demander à Yoshito si je pouvais poursuivre le travail en privé avec lui. Il a fait bien plus que cela, car au bout de quelques séances, je me suis aperçue qu’il était en train de me créer un solo."

En plus de cette nouvelle création, Eye renferme deux solos dansés par Yoshito Ohno – un de ceux-ci fut chorégraphié par Tatsumi Hijikata juste avant sa mort. Mais il ne s’agit pas ici d’un triptyque dont les parties sont clairement distinctes. On est plutôt en présence d’un tissu chorégraphique dont les mailles s’entrecroisent, afin de former une toile unificatrice. Ceci, de la même manière que les éléments yin et yang ne sont pas des éléments distincts mais complémentaires d’un même individu, qu’il soit homme ou femme. C’est d’ailleurs cette dualité propre à tout un chacun que l’œuvre souligne, à travers un personnage androgyne dont le paysage intérieur est habité autant par la vie que par la mort.

"Durant le processus de création, nous avons beaucoup travaillé avec la musique. Kasuo et Yoshito sont très sensibles à cette relation entre l’aspect sonore et le mouvement. La résonance que crée la musique dans le corps du danseur devient alors génératrice d’états poétiques qui viennent opérer une métamorphose chez celui-ci. Dans ce même ordre d’idées, pour ces maîtres, l’expérience vécue par le danseur doit avoir comme conséquence de le changer intérieurement, car le butô est avant tout un cheminement, un mode de vie. Quoique je puisse grandement m’identifier à ce genre de philosophie, je tiens toutefois à préciser que je ne suis pas une danseuse butô. Je fais de la danse contemporaine inspirée en partie de ce type de travail. Voilà tout!"

La pièce Eye a été construite à partir de la musique électroacoustique du compositeur Robert Normandeau – avec qui la chorégraphe avait déjà collaboré -, mais également à partir de pièces musicales déjà connues, comme certains airs de Liszt et Gorecki. Aussi y aura-t-il quelques petites surprises auxquelles le public ne s’attend pas de ce côté-là, selon les dires de Lucie Grégoire. Mais elle est restée très discrète là-dessus. On verra bien…

Du 11 au 15 mai
Au Studio de l’Agora de la danse

Danse danse – programmation 2004-2005
La 7e édition de la série Danse danse nous offrira, à compter de l’automne prochain, une programmation des plus intéressantes, avec le passage de la Compagnie Marie Chouinard, d’Ultima Vez, de Sinha Danse, de Sarah Chase, de la compagnie originaire des Pays-Bas Emio Greco et du New-Yorkais Stephen Petronio.

Il est à noter que la chorégraphe Marie Chouinard présentera pour l’occasion la reprise de ses deux magnifiques créations Chorale et Les 24 Préludes de Chopin. Roger Sinha viendra, pour sa part, nous faire découvrir sa nouvelle pièce Apricot Trees Exist et le Flamand Wim Vandekeybus (Ultima Vez) donnera à voir son spectacle Blush, d’une énergie effrénée qui devrait une fois de plus marquer profondément le public. (N.M.)