Charbonneau et le chef : Le ciel est bleu
Scène

Charbonneau et le chef : Le ciel est bleu

Peut-être que le texte de John Thomas McDonough, Charbonneau et le chef, a pris quelques rides. Peut-être que cette manière manichéenne de présenter les personnages, tout comme ce ton revendicateur, fait un peu époque. "Ça date", comme on dit. Oh, pas plus qu’un Molière ou qu’un Feydeau peut conserver les traces de son époque, non. Seulement, l’époque n’est pas très loin et il est facile de tomber dans la comparaison… et dans la nostalgie! Mais ceci est le problème du spectateur ou du critique, car en ce qui concerne la nouvelle production de cette pièce créée en 1971, elle se révèle résolument moderne.

L’action nous ramène en 1949 à Asbestos. Nous sommes en pleine grève, celle, légendaire, de la mine d’amiante qui dura 140 jours. Le monde syndical du Québec entre alors dans sa phase d’affirmation. Une ombre de taille au tableau: Maurice Duplessis (interprété par Marcel Sabourin). Les syndicats étant, à l’époque, des organisations catholiques, un appui solide du clergé devient crucial pour renforcer leur crédibilité et arriver à s’asseoir de manière sérieuse à la table des négociations, où politique et fric mènent le bal. Les ouvriers et leurs familles placent tous leurs espoirs en la personne de l’archevêque Charbonneau (interprété par Michel Dumont) pour obtenir un règlement heureux. Mais Duplessis est ce qu’il est ("La politique, c’est: 1, le pouvoir, 2, le pouvoir et 3, le pouvoir!") et, soucieux d’entretenir ses relations profitables, il déclare la grève illégale et obtient la destitution de Charbonneau.

Soulignons la force de la mise en scène de Claude Maher. Devant son inventivité, les tics et les faiblesses du texte s’effacent. Il utilise les 27 comédiens comme une véritable massue; on sent toute la charge du groupe qui hurle et se bat pour la justice et la dignité. La scène, montée sur deux étages, permet de passer beaucoup d’information à la fois tout en symbolisant les rapports de force et la place de chacun. L’idée d’utiliser des écrans géants permet également de voir tout le jeu de Sabourin qui passe beaucoup par l’expression du visage. Aussi, grâce à la projection et aux effets sonores, le sermon livré par Dumont prend des proportions d’une rare intensité.

Du théâtre "grand public" intelligent et bien mené.

Jusqu’au 29 mai
Au Théâtre Jean-Duceppe
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