Damiaan De Schrijver : Transports en commun
Scène

Damiaan De Schrijver : Transports en commun

Trois acteurs hors norme éprouvent rudement les théories de Diderot sur l’illusion théâtrale dans du serment de l’écrivain du roi et de diderot. Rencontre avec DAMIAAN DE SCHRIJVER, l’une de ces bêtes de scène.

Provenant tous trois de collectifs d’acteurs flamands et néerlandais assumant toutes les tâches reliées à l’élaboration d’une représentation, Peter Van den Eede (De Koe), Damiaan De Schrijver (tg Stan) et Matthias de Koning (Discordia) entreprennent en 1999 de conjuguer leurs ressources créatives afin de réfléchir, sur une scène, à la nature même de leur métier. "J’avais très envie que nous travaillions ensemble tous les trois, se remémore De Schrijver au bout du fil. Je savais que ce serait une bonne combinaison."

Comme prémisse à leur création, les trois artistes choisissent les théories sur le jeu de l’acteur exposées par Diderot dans son fameux Paradoxe sur le comédien. Un essai dialogué qui, depuis sa publication posthume en 1830, ne cesse de susciter la réflexion des gens de théâtre du monde entier. "Nous cherchions une œuvre qui soit instructive pour le public, mais surtout pour nous. Le Paradoxe contient une recherche très élaborée sur les différentes manières de faire du théâtre. Il approfondit les questions de distance, d’émotion, de vrai et de faux, de réel et d’irréel. C’est un texte extrêmement actuel, il rivalise sans difficulté avec les écrits de Stanislavski."

Ensemble, comme au sein de leurs compagnies respectives, les trois comédiens adoptent une manière radicalement différente de pratiquer leur métier. Refusant de se soumettre aux idées d’un metteur en scène, les trois hommes militent pour un théâtre où l’acteur constitue la seule source du spectacle. "Nous ne répétons jamais. Nous discutons autour d’une table à propos de la dramaturgie, du décor, de la lumière et surtout de l’urgence de monter une pièce. Ce n’est pas le chemin le plus court, mais c’est le plus gratifiant puisqu’au bout du compte, c’est vraiment toute l’équipe qui est parvenue à un résultat." Lorsqu’on lui rappelle que certaines personnes considèrent sa position artistique comme celle d’un activiste, De Schrijver répond: "Les membres de tg Stan croient à l’idée d’un collectif, ils veulent remettre en question la hiérarchie traditionnelle du théâtre, réinventer en quelque sorte la démocratie. Le terme activiste est exagéré mais, effectivement, ça constitue un acte politique. Toutefois, cette revendication ne s’exerce qu’à l’intérieur de la compagnie. Certains, qui travaillent aussi pour le cinéma et la télévision, doivent répondre aux exigences d’un réalisateur. Nous ne sommes pas dogmatiques non plus, il faut bien gagner sa vie. Je crois pourtant que les comédiens ont assez de rêves et d’idées pour faire eux-mêmes le théâtre. Je suis convaincu que cette vision indépendante de la création existe dans tous les coins du monde."

Théorie du chaos
Ainsi, pendant l’heure et demie que dure le spectacle, les trois hommes s’acharnent à mettre à l’épreuve (pour ne pas dire en pièces) les théories qu’entretenait sur le théâtre l’un des plus importants philosophes français du XVIIIe siècle. Comme trois clowns dont l’humour féroce ferait mouche à tout coup, employant une artillerie d’objets étranges, les artistes parviennent à faire rire et réfléchir dans un seul et même mouvement. "Au départ, on voulait expliquer notre métier en employant le texte de Diderot. Mais on a vite réalisé que plus on essaie de l’élucider, plus il devient mystérieux. Chaque soir, quelque chose de nouveau se produit. Nous demeurons prudents, mais c’est un spectacle très exigeant physiquement, une espèce de chaos organisé où nous devons composer avec le risque."

Lorsqu’on lui demande d’imaginer ce que Diderot penserait du spectacle que lui et ses comparses ont conçu en s’appuyant sur sa prose, le comédien rétorque: "Je n’ose pas y penser. Malgré tout, je considère que l’on renouvelle son œuvre en restant le plus honnêtes possible envers ses idées. Nous avons du respect pour Diderot, mais nous n’avons pas peur de le dépoussiérer pour faire voir à quel point il est universel et intemporel. Après tout, nous ne sommes que des intermédiaires entre l’écrivain et le public."

Du 19 au 22 mai
À la Salle Multi
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